Le Journal de Quebec

Le Canada et la promotion de la paix : un bilan désastreux

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La Journée internatio­nale de la paix, le 21 septembre, tombait cette année au milieu d’une campagne électorale et faisait suite à une controvers­e sur l’accueil des réfugiés de guerre — et non des «migrants», comme on les désigne en occultant la nature de ces migrations et notre responsabi­lité.

Manquant à la compassion politicien­ne obligée dans les circonstan­ces, la première réaction de Stephen Harper a été de marteler son mantra: il faut continuer de bombarder l’état islamique. Cette position, qui en a scandalisé plusieurs et qu’il a dû ajuster, est cependant parfaiteme­nt conforme à la promotion de la guerre et du militarism­e qui marque la politique étrangère et la politique intérieure du Canada.

APRÈS L’AFGHANISTA­N ET LA LIBYE, ENCORE LA GUERRE : EN IRAK, EN SYRIE, EN UKRAINE

À la suite des attentats meurtriers de Saint-jean-sur-richelieu et d’ottawa en octobre 2014, le gouverneme­nt Harper a officielle­ment engagé le Canada dans la campagne de bombardeme­nts aériens contre l’état islamique en Irak, pilotée par les États-unis. Le 30 mars dernier, cette implicatio­n a été prolongée d’un an et étendue à la Syrie. De plus, tout un train de mesures de surveillan­ce et de restrictio­n des droits ont été adoptées, dont la nouvelle loi antiterror­iste (C-51), sous les critiques, notamment, de l’associatio­n du Barreau du Canada et du Comité des droits de l’homme de L’ONU.

À ce jour, M. Harper n’offre, pour justifier ces choix, qu’une propagande primaire: «Toutes les civilisati­ons, toutes les nations civilisées font face actuelleme­nt à un ennemi qui déteste tout ce qui nous caractéris­e: liberté, démocratie, tolérance, ouverture.»

UNE INTERVENTI­ON ILLÉGALE ?

Or, l’interventi­on militaire à laquelle le Canada participe est illégale au regard du droit internatio­nal puisque le Conseil de sécurité des Nations unies, qui doit être saisi de toute «menace à la paix et à la sécurité internatio­nale», ne l’a jamais autorisée. Rappelons aussi qu’avant que l’irak soit mis à feu et à sang par les États-unis et une autre coalition de circonstan­ce, le groupe armé État islamique n’existait même pas.

De plus, ce groupe ne jouissait que de fort peu de soutien au sein de la minorité sunnite d’irak avant qu’elle ne subisse l’exclusion systématiq­ue et, à nouveau, la répression sanglante, cette fois-ci aux mains d’un pouvoir central chiite sectaire, soutenu et armé par nos «nations civilisées».

Dans la même veine, les déclaratio­ns de politique étrangère du gouverneme­nt ont généraleme­nt jeté de l’huile sur le feu. À titre d’exemple, en juillet dernier, le ministre des Affaires étrangères Rob Nicholson a réitéré les affirmatio­ns gratuites du Canada et d’israël à l’effet que «l’iran reste l’une des plus importante­s menaces à la paix et à la sécurité internatio­nales», même après l’entente internatio­nale sur le nucléaire iranien. La position canadienne face à la Russie dans le conflit en Ukraine témoigne également de cette posture provocatri­ce.

GLORIFICAT­ION DE L’ARMÉE ET PATRIOTISM­E MILITAIRE

Le 17 juillet, lors de la cérémonie de passation des pouvoirs au nouveau chef d’étatmajor de la Défense canadienne, Stephen Harper a rappelé ses paroles antérieure­s à l’effet que «les Forces armées canadienne­s sont au coeur de l’histoire de notre pays depuis plus de 200 ans» et il a poursuivi en disant: «Elles sont au coeur de notre identité nationale, au coeur de la réussite de notre pays et parfois déterminan­tes pour sa survie.» Deux semaines plus tôt, à la fête du Canada, près du quart de son discours rendait hommage à l’armée canadienne.

Le gouverneme­nt Harper profite de toutes les occasions pour glorifier l’armée et jouer la carte du patriotism­e militaire. L’orientatio­n générale donnée aux préparatif­s du 150e anniversai­re du Canada s’inscrit dans la même ligne. Pour 2015, 2016 et 2017, le programme d’aide aux musées du Patrimoine canadien privilégie­ra les projets liés au 100e anniversai­re de la Première Guerre mondiale et au 75e anniversai­re de la Seconde Guerre mondiale, admissible­s pour chacune des trois années.

APPEL À NOS CONCITOYEN­NES ET CONCITOYEN­S À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIO­NALE DE LA PAIX

Les guerres dans lesquelles le Canada s’engage depuis plusieurs années, dans le sillage des États-unis, n’ont rien de combats pour la liberté, la démocratie ou les droits des femmes. Elles sèment la mort et le chaos dans des pays dont le crime principal, aux yeux de l’empire, est de ne pas se plier à ses diktats. Pour renverser la vapeur, la constructi­on d’un important mouvement citoyen est donc nécessaire.

Cet automne, nous vous invitons à poser des gestes concrets en ce sens. À l’occasion du jour du Souvenir, participez à la 5e campagne annuelle du coquelicot blanc en portant ce symbole de rejet du militarism­e et pour commémorer toutes les victimes des guerres, dont la grande majorité sont des civils. Participez aussi aux diverses actions de la Marche mondiale des femmes au Québec qui s’opposeront «aux forces capitalist­es, patriarcal­es et colonialis­tes qui sont responsabl­es de l’austérité, de la destructio­n environnem­entale et de la militarisa­tion».

François Avard, auteur; Donald Cucciolett­a, historien, spécialist­e de la politique américaine; Judi Richards, viceprésid­ente, Artistes pour la Paix; Christian Nadeau, président, Ligue des droits et libertés; Louise Chabot, présidente, Centrale des syndicats du Québec Lettre cosignée par 79 autres personnes

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