Le Journal de Quebec

Notre télé : une assistée sociale en tenue de gala

- Guy Fournier guy.fournier@quebecorme­dia.com

Cette année, réseaux, chaînes câblées et distribute­urs de télé à la Netflix diffuseron­t aux États-unis plus de 400 séries de télévision. Pour toutes les voir, un téléspecta­teur devra passer de 15 à 18 heures par jour devant son écran. Il est évident que pas un seul Américain n’aura ce temps ou cette patience. Toutes proportion­s gardées, notre télévision francophon­e diffuse plus de séries. Plus que la France aussi, dont la population est six à sept fois plus importante que celle du Québec.

Dimanche, à la Place des Arts et aux diverses réceptions à l’hôtel Hyatt, des centaines de producteur­s, artistes et artisans de notre télévision nageaient dans le bonheur. Tous étaient sur leur trente et un, un verre à la main, un petit four dans l’autre. Grâce aux efforts de son président Richard Speer, l’académie canadienne du cinéma et de la télévision a enfin réussi à rallier tout le milieu pour le 30e anniversai­re des prix Gémeaux.

Personne, toutefois, ne parlait des nuages qui s’amoncellen­t dans le ciel de nos réseaux et de nos chaînes spécialisé­es. Jusqu’ici, c’est surtout la télévision du Canada anglais que le mauvais temps inquiète. De plus en plus d’anglophone­s décident que les distribute­urs de télé par internet suffisent à leurs besoins de divertisse­ment. Les choses ne s’arrangeron­t pas, car presque tous les nouveaux téléviseur­s sont désormais «intelligen­ts». Plus besoin de faire des détours ou des entourloup­ettes techniques pour regarder les émissions sur internet.

PAS D’ICEBERG EN VUE

Au théâtre Maisonneuv­e et dans les salles du Hyatt, on ne voyait pas l’ombre d’un iceberg. On applaudiss­ait et riait aux éclats, on mangeait et dansait avec entrain. Comme aux plus beaux moments de la traversée inaugurale du Titanic. Seul Martin Matte, encore qu’il l’ait fait avec beaucoup de ménagement, a laissé entendre que si notre télé vogue à si belle allure, c’est qu’il y a dans la cale des hommes et des femmes qui galèrent comme des forçats.

Artisans, auteurs et artistes savent tous qu’ils travaillen­t à peu près aux mêmes conditions salariales qu’il y a 10 ans et plus. Plusieurs travaillen­t même pour moins qu’à l’époque. Les heures sont plus longues, car on enregistre de plus en plus de scènes chaque jour. À la télé comme au cinéma, les heures supplément­aires coûtent moins cher qu’une journée de tournage supplément­aire.

UN CHOIX À FAIRE

Les diffuseurs défraient un peu plus de 40 % des coûts des émissions haut et moyen de gamme. Ils devraient payer davantage, mais ils n’en ont plus les moyens. Leurs profits s’amenuisent, quand ils ne disparaiss­ent pas complèteme­nt. Les distribute­urs traditionn­els, Bell, Vidéotron, Cogeco et compagnie, leurs fonds d’aide, Patrimoine canadien, et les crédits d’impôt fédéraux et provinciau­x assument presque tout le reste des coûts de production.

Dans la plupart des pays, la télévision ne saurait exister sans l’aide de l’état. Comme plusieurs autres industries, d’ailleurs. De toutes les télés, la nôtre est une des plus «assistées». Il ne reste qu’une seule solution pour conserver sa qualité et améliorer le sort de ceux qui la font: donner encore plus d’argent ou réduire le nombre d’émissions originales... Un jour ou l’autre, il faudra bien choisir.

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