Le Journal de Quebec

Voter, mais pour qui ?

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J’ai longtemps aimé voter. J’ai toujours défendu la nécessité pour un citoyen d’aller exercer ce droit fondamenta­l en démocratie.

J’ai longtemps aimé voter. En pénétrant dans le bureau de scrutin, j’éprouvais une émotion particuliè­re, nourrie de la conscience de la solennité du geste. En effet, un seul vote peut théoriquem­ent changer le résultat.

Cette émotion faisait trembler ma main dans l’isoloir lors d’élections symbolique­s, comme en 1976 alors que le Parti québécois de René Lévesque sollicitai­t un mandat de gouverner avec un référendum à la clé.

J’ai aimé voté au niveau fédéral, en particulie­r lorsque Brian Mulroney a dirigé le Parti progressis­te conservate­ur, un parti à l’opposé de celui dirigé aujourd’hui par Stephen Harper. Brian Mulroney fut le seul premier ministre du Canada à tenter de choisir un compromis acceptable à la souveraine­té du Québec, les accords du lac Meech.

DÉSABUSEME­NT

L’enthousias­me m’a quittée peu à peu pour en arriver à cet état d’esprit que je partage désormais avec tant de Québécois, déçus ou désabusés au point de s’apprêter à voter à reculons.

En effet, les chefs de parti n’ont que des promesses pleines de millions pour appâter les électeurs. Chaque leader surfe sur les vagues grisantes du populisme qui cache des ressacs dangereux.

Stephen Harper, le marmoréen aux émotions congelées sait alimenter les braises qui crépitent en chaque électeur. Il revêt un uniforme d’officier de sécurité, mais devient muet ou sourd lorsqu’il s’agit de le confronter aux démons qui habitent son parti et ses collaborat­eurs.

Le premier ministre sortant est le plus doué, le plus habile tacticien et le plus retors des chefs. Son bilan économique est loin d’être catastroph­ique et il offre aux électeurs la perpétuati­on de sa gouvernanc­e opaque, sans états d’âme et sans complexes.

L’HÉRITAGE PATERNEL

Justin Trudeau possède des conviction­s, une candeur, héritage de sa mère, et ses promesses électorale­s sont aussi démesurées que passéistes. Sa conception de l’état et son rôle dans l’économie est remise en question dans la quasi-totalité des social-démocratie­s européenne­s. En fait, Justin Trudeau oublie qu’il n’est pas le chef du NPD. De plus, sa foi absolue, aveugle dans la Charte des droits, héritage de son père, qui enchâsse les valeurs du pays rappelle le catéchisme d’antan au Québec. Car Justin est un homme de foi dont on se demande à certains moments si son euphorie à l’exprimer n’a sa source que dans ses idées.

Thomas (Tom) Mulcair n’a pas que deux prénoms, un pour le Canada anglais et un pour le Québec. Son passé est le meilleur garant de son opportunis­me actuel

L’IRLANDAIS VINDICATIF

Thomas (Tom) Mulcair n’a pas que deux prénoms, un pour le Canada anglais et un pour le Québec. Son passé est le meilleur garant de son opportunis­me actuel. Flamboyant, vindicatif, avec une retenue tout électorale, il promet aux uns et aux autres.

Paradoxale­ment, c’est le Québec qui lui accorde son succès actuel. Le Québec, dont il a combattu la loi 101 avec un acharnemen­t dérangeant, s’apprête à le couronner. Il doit remercier Justin Trudeau, car ce dernier lui offre l’occasion d’afficher sa modération sur la plupart des enjeux de la campagne.

En ce sens, cet ancien ministre libéral est à l’image des politicien­s actuels. Sa pensée est moins importante que les sondages. Et la réalité écrase la vision du futur. Il n’a qu’un véritable objectif: devenir premier ministre du Canada.

Dans ces circonstan­ces, voter ressemble à une course d’obstacles.

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