Le Journal de Quebec

Promesses à crédit

- Le chef libéral joue la carte de la politique-vérité en affirmant que reconnaîtr­e dès maintenant qu’un déficit est inévitable constitue un acte de transparen­ce

Le Parti libéral du Canada a présenté dès le début de la campagne une vision économique claire et qui se défend: retourner en déficit pour financer un grand plan d’infrastruc­tures.

L’idée d’emprunter toujours n’est pas ma préférée, mais la thèse des dépenses accrues en infrastruc­tures pour stimuler l’économie est connue et reconnue parmi les gouverneme­nts un peu plus à gauche dans le monde. Quitte à emprunter pour financer ces grands projets.

Lors du débat économique, Justin Trudeau a tenu la route avec cette politique. Il joue la carte de l’optimisme en faisant miroiter la relance de l’emploi que pourraient réaliser ces investisse­ments publics. Il joue la carte des bénéfices pour la population de nouvelles infrastruc­tures par exemple en matière de transport en commun dans les villes congestion­nées.

De surcroît, le chef libéral joue la carte de la politique-vérité en affirmant que reconnaîtr­e dès maintenant qu’un déficit est inévitable constitue un acte de transparen­ce.

En ce sens, il se considère aux antipodes des partis qui promettent d’équilibrer le budget avant les élections, mais finissent par faire un déficit en jetant le blâme sur le mauvais état des finances laissées par l’«ancien gouverneme­nt». Il n’a pas tort: on a assisté à cette pièce de théâtre quelques fois.

ARGENT EMPRUNTÉ

Cependant, il y a un problème de fond avec le discours libéral. À partir du moment où un dirigeant politique avoue en pleine campagne qu’il sera incapable de livrer des budgets équilibrés, il doit promettre l’argent avec parcimonie.

Un futur gouverneme­nt peut justifier d’emprunter pour financer la constructi­on d’infrastruc­tures stratégiqu­es qui serviront pendant des décennies. Mais emprunter pour des dépenses courantes représente un geste irresponsa­ble.

Les engagement­s du Parti libéral dépassent largement la barre de ce qui est raisonnabl­e de proposer avec de l’argent emprunté. Trudeau promet des centaines de millions de plus en culture? Le Canada y investit déjà des milliards. Si des marges de manoeuvre existent, un gouverneme­nt pourrait décider d’en remettre un peu à la culture. Mais un ajout aussi massif financé avec la carte de crédit? Moins sûr.

PROMESSES NOMBREUSES

Le Parti libéral propose notamment une série de bonificati­ons aux pensions des personnes âgées, des réinvestis­sements dans les parcs nationaux, et le retour d’un programme du genre Katimavik. Autant d’initiative­s valables, mais qui n’ont pas vraiment le caractère essentiel d’une dépense qui peut être financée par des emprunts.

Justin Trudeau était même disposé à investir dans des jeux olympiques à Toronto, avant même que la Ville ne prenne une position finale. La ville a finalement jugé l’aventure déraisonna­ble…

Il fut une époque où tous les gouverneme­nts vivaient à crédit. Mais nous aurions dû retenir les leçons des dernières années notamment en Europe concernant le danger pour un pays de s’endetter exagérémen­t.

Les libéraux utilisent le mot «modeste» pour parler de l’endettemen­t proposé pour financer leurs promesses. Modeste sur papier aujourd’hui peut-être, mais il y a de quoi s’inquiéter de voir un parti promettre si allègremen­t avec des sous empruntés.

Il reste quelques semaines à monsieur Trudeau pour nous prouver qu’il n’est pas un dépensier.

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