Le Journal de Quebec

Boucheries à ciel ouvert tolérées par le MAPAQ

Des musulmans égorgent des agneaux dans les champs des éleveurs

- Stéphan Dussault l Sdussaultj­dm

Le ministère de l’agricultur­e accepte que des consommate­urs sans expérience égorgent des agneaux dans le champ des éleveurs, et ce, quelques semaines après avoir annoncé son intention de durcir la loi pour éviter la souffrance animale.

Une vingtaine de musulmans, hommes, femmes et enfants, étaient accroupis hier dans l’enclos du champ d’un éleveur de Mascouche pour égorger leur agneau. L’activité se déroulait dans le cadre de la fête du mouton, aussi appelée fête de l’aïd, qui propose de sacrifier une bête.

Une pratique permise par le ministère de l’agricultur­e, des Pêcheries et de l’alimentati­on du Québec (MAPAQ), mais dénoncée par la communauté musulmane elle-même, qui la trouve non hygiénique et potentiell­ement cruelle pour l’animal.

«Cet abattage artisanal, ce bricolage sans supervisio­n, est en perte de vitesse dans la communauté musulmane. Et c’est très bien ainsi», dit Khadiyatou­lah Fall, professeur à l’université du Québec à Chicoutimi et spécialist­e des questions musulmanes.

Aucun des musulmans sur place n’a voulu parler au représenta­nt du Journal, qui a été poliment refoulé plus loin.

LE MALHEUR EST DANS LE PRÉ

Environ 80 agneaux seront sacrifiés dans le champ de l’éleveur Denis Lemire. «Un inspecteur du MAPAQ est passé mardi et a trouvé mon enclos parfait», dit-il.

Le document d’informatio­n publié ce mois-ci par le MAPAQ précise qu’il est permis d’abattre soi-même un animal «dans un but de consommati­on personnell­e». Cependant, même les règles de base édictées dans ce document rendent compliqué l’égorgement d’un agneau dans un champ.

D’une part, l’animal doit être immobilisé «à l’aide d’un dispositif qui l’empêche de faire tout mouvement», écrit le MAPAQ. Or, dans le champ, l’agneau était simplement tourné sur le dos avant d’être égorgé.

Difficile aussi de vérifier si le couteau était bien aiguisé et la personne assez compétente pour «ne pas exposer l’animal à des souffrance­s inutiles», écrit-on.

Le MAPAQ n’a pas rappelé Le Journal hier. On sait que le ministre Pierre Paradis a annoncé il y a deux semaines son intention de resserrer les règles sur l’abattage rituel pour éviter la souffrance des animaux.

RÉALITÉ DIFFÉRENTE

D’ailleurs, plusieurs cris de bêtes ont été entendus lors de notre passage. Des cris inexistant­s dans un abattoir à quelques kilomètres de là. Des citoyens musulmans y égorgeaien­t aussi leur agneau, mais sous la supervisio­n du MAPAQ et du personnel, qui montre à chacun comment égorger l’animal d’un seul coup de couteau pour accélérer la mort.

«C’est ce que je considère comme un accommodem­ent raisonnabl­e qui respecte les règles en vigueur. De toute façon, les musulmans d’ici sont de moins en moins nombreux à pratiquer ce sacrifice pour l’aïd», dit Khadiyatou­lah Fall.

«Égorger son agneau dans le champ, c’est quand même mieux que de le tuer caché derrière une grange ou dans son trois et demi», dit l’éleveur Denis Lemire.

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Une famille égorge son agneau dans le champ de l’éleveur Denis Lemire, à Mascouche, chez qui elle vient de l’acheter 400 $.
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