Boucheries à ciel ouvert tolérées par le MAPAQ
Des musulmans égorgent des agneaux dans les champs des éleveurs
Le ministère de l’agriculture accepte que des consommateurs sans expérience égorgent des agneaux dans le champ des éleveurs, et ce, quelques semaines après avoir annoncé son intention de durcir la loi pour éviter la souffrance animale.
Une vingtaine de musulmans, hommes, femmes et enfants, étaient accroupis hier dans l’enclos du champ d’un éleveur de Mascouche pour égorger leur agneau. L’activité se déroulait dans le cadre de la fête du mouton, aussi appelée fête de l’aïd, qui propose de sacrifier une bête.
Une pratique permise par le ministère de l’agriculture, des Pêcheries et de l’alimentation du Québec (MAPAQ), mais dénoncée par la communauté musulmane elle-même, qui la trouve non hygiénique et potentiellement cruelle pour l’animal.
«Cet abattage artisanal, ce bricolage sans supervision, est en perte de vitesse dans la communauté musulmane. Et c’est très bien ainsi», dit Khadiyatoulah Fall, professeur à l’université du Québec à Chicoutimi et spécialiste des questions musulmanes.
Aucun des musulmans sur place n’a voulu parler au représentant du Journal, qui a été poliment refoulé plus loin.
LE MALHEUR EST DANS LE PRÉ
Environ 80 agneaux seront sacrifiés dans le champ de l’éleveur Denis Lemire. «Un inspecteur du MAPAQ est passé mardi et a trouvé mon enclos parfait», dit-il.
Le document d’information publié ce mois-ci par le MAPAQ précise qu’il est permis d’abattre soi-même un animal «dans un but de consommation personnelle». Cependant, même les règles de base édictées dans ce document rendent compliqué l’égorgement d’un agneau dans un champ.
D’une part, l’animal doit être immobilisé «à l’aide d’un dispositif qui l’empêche de faire tout mouvement», écrit le MAPAQ. Or, dans le champ, l’agneau était simplement tourné sur le dos avant d’être égorgé.
Difficile aussi de vérifier si le couteau était bien aiguisé et la personne assez compétente pour «ne pas exposer l’animal à des souffrances inutiles», écrit-on.
Le MAPAQ n’a pas rappelé Le Journal hier. On sait que le ministre Pierre Paradis a annoncé il y a deux semaines son intention de resserrer les règles sur l’abattage rituel pour éviter la souffrance des animaux.
RÉALITÉ DIFFÉRENTE
D’ailleurs, plusieurs cris de bêtes ont été entendus lors de notre passage. Des cris inexistants dans un abattoir à quelques kilomètres de là. Des citoyens musulmans y égorgeaient aussi leur agneau, mais sous la supervision du MAPAQ et du personnel, qui montre à chacun comment égorger l’animal d’un seul coup de couteau pour accélérer la mort.
«C’est ce que je considère comme un accommodement raisonnable qui respecte les règles en vigueur. De toute façon, les musulmans d’ici sont de moins en moins nombreux à pratiquer ce sacrifice pour l’aïd», dit Khadiyatoulah Fall.
«Égorger son agneau dans le champ, c’est quand même mieux que de le tuer caché derrière une grange ou dans son trois et demi», dit l’éleveur Denis Lemire.