Le Journal de Quebec

Soupçonné de « favoritism­e » dans sa lutte contre la collusion

Québec nage dans la controvers­e entourant le Programme de remboursem­ent volontaire

- Andrew Mcintosh Jean-nicolas Blanchet BUREAU D’ENQUÊTE

C’est demain que Québec ouvre officielle­ment son «confession­nal à collusion», et, déjà, la nouvelle création du ministère de la Justice fait l’objet d’une controvers­e, a découvert notre Bureau d’enquête.

Ce sera le lancement du Programme de remboursem­ent volontaire (PVR), administré par l’ancien juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland.

Le PVR permettra aux entreprise­s, de façon confidenti­elle, d’admettre volontaire­ment leur participat­ion à de la collusion ou à des manoeuvres dolosives, et à quelle hauteur, au cours des 20 dernières années.

Par exemple, si une entreprise prétend avoir obtenu 2 M$ grâce à de telles manoeuvres, des experts juricompta­bles (équipe de 5 à 25) embauchés au PVR devront vérifier si le montant est assez élevé.

Après avoir remboursé, les entreprise­s seront exemptées de toutes poursuites civiles de la part d’un organisme public concernant

l’objet de leur remboursem­ent.

SANS APPEL D’OFFRES

Mais le contrat de 3,5 M$ décerné pour une partie des services des juricompta­bles fait l’objet de plusieurs questionne­ments, car il a été octroyé sans appel d’offres public.

«On est là pour combattre la collusion, et ça commence comme ça?», dénonce un juricompta­ble sous le couvert de l’anonymat.

«C’est pourri!», ajoute une deuxième source. Il y a favoritism­e et absence totale de concurrenc­e.»

Accuracy et son vice-président à Québec, François Filion, agiront à titre de coordonnat­eurs pour le Programme de remboursem­ent volontaire

RIGOUREUX ET TRANSPAREN­T ?

Le ministre de la Justice avait promis que son nouveau programme «serait rigoureux et transparen­t, inspiré des meilleures pratiques à l’internatio­nal.»

Une de nos sources se demande donc pourquoi on veut miner la confiance du public dès le départ avec un contrat octroyé arbitraire­ment: «C’est une belle initiative, dit-elle, et c’est un bon juge. Je me pose des questions sur la façon dont ce contrat a été octroyé et je n’ai pas de réponse.»

Yan Paquette, directeur au bureau du sous- ministre de la Justice du Québec, défend l’octroi du contrat. Il souligne que les règlements permettent des contrats sans appel d’offres pour des experts.

Le gouverneme­nt «avait besoin de juricompta­bles qui ne font pas de vérificati­ons d’états financiers» et qui n’avaient «aucun lien avec des compagnies mentionnée­s à la commission Charbonnea­u», explique-t-il. «On avait aussi de courts délais.»

Mais nos sources réfutent ces arguments. À leur sens, plusieurs cabinets de juricompta­bles auraient pu se qualifier avec ces contrainte­s.

Soulignons par ailleurs que Yan Paquette a déjà travaillé étroitemen­t avec le vice-président d’Accuracy, François Filion, durant plusieurs années, dans le dossier de fraude financière Norbourg. Me Paquette était alors directeur des enquêtes et des inspection­s à l’autorité des marchés financiers.

Il a soutenu qu’il n’y a pas eu de copinage dans l’octroi du contrat et il explique qu’il a été appelé à travailler avec plusieurs cabinets de juricompta­bles, pas uniquement avec Accuracy. «Ce sont des relations profession­nelles que j’ai entretenue­s avec ces gens. Le monde de la fraude financière est assez petit, à Montréal», a-t-il lancé, précisant que ce n’est pas lui qui avait le pouvoir de décider à qui serait octroyé le contrat.

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