Le Journal de Quebec

Les défis américains de Justin Trudeau

- PIERRE MARTIN Professeur de sciences politiques à l’université de Montréal et chercheur au CÉRIUM

À Washington, le départ de Stephen Harper et l’arrivée d’un gouverneme­nt mieux disposé à s’entendre avec l’administra­tion Obama signalent une embellie possible dans la relation bilatérale la plus importante pour le Canada, mais ceux qui s’attendent à des avancées spectacula­ires à court terme seront déçus.

On a beaucoup parlé de l’échange cordial entre Justin Trudeau et Barack Obama au lendemain de l’élection. Après des années de relations tendues entre le président américain et Stephen Harper, il était facile de lire dans ce nouveau ton le signe d’une ouverture qui pourrait permettre au prochain premier ministre de marquer des points dans la relation avec les États-unis.

Il ne faut toutefois pas exagérer l’impact d’un changement de gouverneme­nt. Outre l’irritation provoquée par les multiples tentatives de Stephen Harper de forcer la main à Barack Obama dans le dossier de l’oléoduc Keystone XL, les relations bilatérale­s ne vont pas si mal que ça. Loin des feux de la rampe, plusieurs enjeux bilatéraux ont progressé, y compris la question cruciale pour le Québec de la reconnais- sance de l’hydroélect­ricité comme une énergie renouvelab­le.

DES ENJEUX CLÉS OÙ LE CANADA A PEU DE POIDS

Sur les dossiers chauds de la relation bilatérale, il faut demeurer réaliste. Le Canada aura peu de prise sur les déci-

Le Canada aura peu de prise sur les décisions qui se prendront à Washington, peu importe la cordialité des rapports entre chefs de gouverneme­nt.

sions qui se prendront à Washington, peu importe la cordialité des rapports entre chefs de gouverneme­nt.

Sur Keystone, le président Obama n’attend que le moment opportun pour signifier définitive­ment son opposition. Il ne faut pas se faire d’illusions. Il s’agit essentiell­ement d’une affaire de politique interne où la relation avec le Cana- da ne pèse pas lourd.

La même chose est vraie pour le Partenaria­t transpacif­ique. L’accord entraînera­it une transforma­tion majeure de la relation économique canado-américaine, mais son adoption par Washington dépendra avant tout d’une dynamique politique interne aux États-unis.

Pour ce qui est de la participat­ion canadienne à la lutte contre le groupe armé État islamique, Justin Trudeau avait télégraphi­é sa position pendant la campagne et le président Obama n’a pas été surpris quand celui-ci lui a annoncé son intention de cesser sa participat­ion aux frappes aériennes. Du point de vue américain, c’est dommage, mais l’impact opérationn­el est mineur.

IL FAUDRA S’ARMER DE PATIENCE

Étant donné l’ouverture apparente du président à son endroit, sans oublier l’image très favorable dont semble jouir le jeune chef libéral dans la presse américaine, on pourrait croire que Justin Trudeau aurait intérêt à se présenter bientôt à Washington pour tirer parti de la situation. Ce serait prématuré. Les attentes seraient fort probableme­nt plus élevées que ce qu’il pourrait livrer.

Dans un premier temps, il faudra mettre son équipe de politique étrangère en place et nommer un nouvel ambassadeu­r à Washington. La rumeur placerait l’ex-chef libéral intérimair­e Bob Rae à ce poste, ce qui serait un signe de l’importance des défis politiques en vue.

Même après cette transition, il sera difficile pour le nouveau premier ministre de se frayer un chemin dans la cacophonie d’une année électorale. Bref, ceux qui s’attendent à ce que Justin Trudeau saisisse à court terme l’occasion de laisser sa marque sur les relations avec les États-Unis devront s’armer de patience.

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