Le Journal de Quebec

Le piège médiatique

- MYRIAM SÉGAL Chroniqueu­se, communicat­rice, professeur en Arts et technologi­e des médias

Les chefs autochtone­s ont cavalièrem­ent sommé notre premier ministre de se présenter à Vald’or dans les 24 heures. Philippe Couillard a eu raison de refuser, même s’il tombait dans le piège médiatique tendu: le méchant blanc, coupable du drame, fuit le face-à-face.

En le diabolisan­t, les chefs autochtone­s évitent la question: «et vous, où étiez-vous, alors que votre Centre d’amitié autochtone savait que des Amérindien­nes ivres et droguées étaient abusées par des policiers? Pourquoi avoir attendu la diffusion du reportage, six mois après la dénonciati­on, pour venir à Val-d’or?»

Ils évitent aussi de rendre des comptes. Le fédéral déverse des millions de dollars sur les réserves amérindien­nes. Et pourtant, la population y est moins instruite, en moins bonne santé, plus droguée et plus alcoolique que le reste de la population québécoise. Et ce ne sont pas des préjugés, mais des constats statistiqu­es.

BÂTIR L’AVENIR

Que font les dirigeants autochtone­s pour endiguer ce drame? Quelles sont les solutions? Comment gèrent-ils ces millions? Il y a peu d’emplois dans les régions éloignées. L’argent et l’oisiveté font mauvais ménage. Mais le statut d’indien est largement relié à la vie en réserve. Et les dirigeants amérindien­s tiennent à cette vie en communauté, de peur de perdre la culture… mais aussi le contrôle.

Ce dilemme est de juridictio­n fédérale: trouver l’équilibre entre la répa- ration légitime des abus subis par les Autochtone­s et la constructi­on d’un avenir égalitaire. La culpabilis­ation du Blanc ne peut éviter aux chefs autochtone­s de soumettre des solutions pour sortir leur peuple du marasme. Avec la mondialisa­tion, la migration des emplois, l’appauvriss­ement de l’industrie forestière, l’avenir semble fermé pour tous, Amérindien­s comme Blancs, dans les petites communauté­s nordiques exsangues.

LES TORTS DU QUÉBEC

Le gouverneme­nt du Québec a ses torts. Le bureau d’enquête indépendan­te voté en 2013 n’existe pas encore deux ans plus tard. Une honte! Ça sent la mauvaise foi, le gaspillage de fonds publics. Pendant ce temps, la police continue à enquêter sur la police avec une lenteur exaspérant­e. Un an pour le cycliste renversé par une voiture-patrouille à Québec; idem pour l’accident de voiture banalisée qui a fait trois morts à Dolbeau.

Quand la ministre Thériault reçoit la dénonciati­on du Centre d’amitié autochtone, en mai, elle se fie à tort à la Sûreté du Québec… et tombe malade juste à temps pour ne pas se justifier. Le patron de la SQ a le culot de nier toute crise… alors qu’il suspend 12 % de ses patrouille­urs à Val-d’or!

Au lieu d’alerter immédiatem­ent en mai l’opposition et le public, le Centre autochtone a attendu la diffusion du reportage de Radio-canada! On se rend alors compte que les dénonciati­ons diffèrent de celles que «travaillai­t» la SQ… L’enquête démarre avec six mois de retard!

Oui, le gouverneme­nt semble à la botte de la SQ. Il a mal géré la dénonciati­on, il se traîne scandaleus­ement les pieds et favorise les enquêtes de complaisan­ce entre policiers. Mais il est responsabl­e de la police, pas de tous les maux amérindien­s.

Ces femmes dérivent dans un univers de violence, de brutalité, de mépris, bien avant d’être confrontée­s à des policiers blancs. Les chefs ne peuvent s’en laver totalement les mains en braquant habilement les projecteur­s sur le gouverneme­nt du Québec.

Oui, le gouverneme­nt a mal géré la dénonciati­on, et se traîne scandaleus­ement les pieds. Mais il est responsabl­e de la police, pas de tous les maux amérindien­s.

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