Permis discrets pour un riche citoyen
Le Canton de Stanstead caviarde l’information concernant la somptueuse propriété de Robert Gratton
Le Canton de Stanstead a censuré toutes les informations sur le coût et la nature des travaux contenues dans les permis de construire accordés à Robert Gratton pour son vaste domaine de 30 M$. Une décision inhabituelle, selon les avocats que nous avons consultés.
Après une demande d’accès à l’information, notre Bureau d’enquête a reçu des copies lourdement caviardées des permis pour son domaine de Pointe-belmere, au bord du lac Memphrémagog.
Le chantier de plusieurs dizaines de millions de dollars dure depuis une vingtaine d’années et exaspère les voisins.
Toute l’information sur les travaux entrepris et leur coût est illisible. La municipalité manque ainsi à son devoir de transparence, selon un avocat en droit municipal qu’a consulté Le Journal.
«Ce sont des éléments qui doivent être considérés comme publics pour permettre aux citoyens de contrôler un peu l’application des règlements par la municipalité, dit Mario Paul-hus, du cabinet Municonseil. Le voisin qui veut se plaindre de la construction qui est réalisée, comment vat-il faire pour savoir le nombre d’étages, la superficie de plancher, si les règles ont été respectées?»
Selon lui, les seules informations qui peuvent être censurées dans les permis sont le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du demandeur.
D’autres avocats en droit municipal consultés soulignent que le Canton de Stanstead évoque les articles 53, 54 et 59 de la Loi d’accès à l’information, qui concernent les «renseignements personnels» permettant d’identifier un individu.
Or, les informations que la municipalité a caviardées ont plutôt trait au coût et à la nature de travaux sur la propriété de Robert Gratton, dont le nom, lui, est resté visible!
TRAITEMENT IDENTIQUE
Les demandes régulières du Journal dans diverses municipalités pour obtenir des permis de construire de particuliers n’ont d’ailleurs jamais produit de tels résultats: les permis arrivent sans caviardage.
Le Canton de Stanstead assure qu’elle a pris cette décision avec son contentieux et que la censure des informations sur le domaine de la Pointe-belmere n’a rien à voir avec la notoriété de son propriétaire, Robert Gratton.
«Nous, on ne dévoilera pas plus que ce que nos avocats nous permettent de dévoiler, dit la mairesse du Canton, Francine CaronMarkwell. Tout le monde reçoit le même traitement.»
Spécialiste de l’accès à l’information, l’avocat Yvon Du Plessis explique que certaines décisions de la Commission peuvent donner raison au Canton de Stanstead. «Mais on voit ça de moins en moins», dit-il. Ces dernières années, l’organisme penche de plus en plus souvent en faveur de la transparence, explique l’avocat.