La Turquie au coeur de la tourmente
Certains pays semblent être au coeur de tout. Par leur position géographique, la taille de leur population et leur rôle dans l’histoire, ils n’ont pas besoin d’être des superpuissances pour qu’on suive de près ce qu’il s’y passe. La Turquie, ces temps-ci, est un d’entre eux. Le MoyenOrient est en ébullition et le couvercle turc risque d’exploser.
Les Turcs, aujourd’hui même, votent pour une deuxième fois cette année. Les électeurs s’étaient prononcés au mois de juin, donnant la victoire à L’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan, mais une victoire limitée.
Erdogan souhaitait une majorité absolue pour pouvoir réécrire la constitution et s’octroyer plus de pouvoirs. Non seulement cette majorité absolue a échappé à son parti, mais le HDP, parti de gauche prokurde, a réussi, en obtenant plus de 10 % des voix, à entrer au Parlement. Les négociations pour convenir d’un gouvernement de coalition n’ont rien donné, forçant la tenue de ce deuxième scrutin général à l’intérieur de cinq mois.
LE VLADIMIR POUTINE TURC
Le président turc, plus personne n’en doute, a la fibre autoritaire. L’opposition politique est confrontée à contrainte sur contrainte. Pour preuve, il a, au cours des derniers jours, fait taire deux chaînes de télévision, critiques à son égard, Bugün TV et Kanaltürk.
Parallèlement, le pays vit sous extrême tension. Le pire attentat de l’histoire turque s’est produit à Ankara, la capitale, le 10 octobre dernier. L’attaque d’une manifestation pacifique de l’opposition a fait 102 morts et plus de 400 blessés. Les militants de l’état islamique sont montrés du doigt, mais le gouvernement, en échouant à garantir la sécurité de ses concitoyens, a aussi perdu la face.
LES KURDES, LEURS TÊTES DE TURC
Ce n’est pas tout. La guerre a repris de plus belle contre les indépendantistes kurdes dans le sud-est du pays, sous la bannière du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan. Le président Erdogan voit d’un très mauvais oeil l’autonomie que la minorité kurde en Irak et, de plus en plus, celle de Syrie ont arrachée. Pas question que les Kurdes turcs grugent à leur avantage une portion du pays.
Sauf qu’agiter le spectre du terrorisme kurde du PKK – qui a certes son lot d’attentats sur la conscience – fait aussi le jeu d’erdogan, qui espère ainsi rallier à sa cause les électeurs d’autres partis, qui ont, pour lui, peu de sympathie, mais qui nourrissent encore plus d’hostilité à l’égard des velléités
indépendantistes kurdes.
MÉCONTENTS,
CES ÉLECTEURS
Cette stratégie des tensions, si c’en est une, ne semble pas donner les résultats escomptés. Les sondages n’accordent toujours pas au parti islamoconservateur d’erdogan la majorité qu’il recherche. La violence, celle des militants de l’état islamique et des indépendantistes kurdes, secouent les électeurs.
Cela dit, leur quotidien est aussi marqué par une économie qui fonctionne au ralenti et une monnaie qui a perdu 25 % de sa valeur au cours des six derniers mois. C’est aussi par leur pays que transitent les combattants, islamistes ou autres, qui vont se chercher une cause à défendre en Syrie. Et c’est par chez eux que fuient des millions de Syriens, poussés à l’exil par les horreurs de la guerre civile.
Bref, pas facile de rester calme quand tout le Moyen-orient se transforme et que votre président veut du pouvoir, toujours plus de pouvoir.