Le Journal de Quebec

Leur joie de vivre anéantie par l’abolition de leurs droits fondamenta­ux

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Extrême pauvreté, taux de suicide et de violence élevés, alcoolisme, accès difficile à une éducation de qualité: les récentes allégation­s d’abus sur des femmes autochtone­s de Val-d’or mettent en lumière le dramatique quotidien des autochtone­s, qui sont nombreux à chercher une raison de vivre. Malgré les efforts gouverneme­ntaux et des gains considérab­les, il reste fort à faire pour atténuer le fossé creusé, affirment des experts consultés par Le Journal.

«On est encore à regarder les autochtone­s comme des primitifs, des êtres dangereux, des “sauvages”, et quand les gens comprendro­nt que dans le fond, nous sommes tous des frères, des soeurs, ce sera un grand pas dans la bonne direction», a exprimé le professeur associé à l’université du Québec à Chicoutimi, Camil Girard. «Les jeunes filles qu’on a entendues l’autre jour auraient pu être nos soeurs, nos filles…»

Selon l’historien, le fossé qui s’est creusé entre les peuples autochtone­s et les «Blancs» remontent à l’adoption de la Loi sur les Indiens, en 1876, alors qu’on les a placés sous la tutelle de l’état.

«On veut les civiliser, les convertir, les assimiler. On crée le Canada en tassant les Indiens dans des réserves, des pensionnat­s. On ne veut pas les avoir dans les pattes […] et ça donne les résultats qu’on connaît depuis un siècle et demi», at-il exposé. «C’est un déshonneur du Canada d’avoir bâti un système comme ça, parce que c’est un système raciste, d’apartheid dans les réserves.»

Pour sa part, l’auteur de l’essai Le Grand Retour, John Ralston Saul, qui s’est penché sur la question autochtone, avance qu’il s’agissait là de mesures visant à éliminer les quelque 150 000 autochtone­s restants sur les 2 millions qu’ils étaient alors à l’époque. «On voulait s’assurer qu’ils allaient disparaîtr­e, mais ils ont commencé à s’organiser et à faire un grand retour. […] Aujourd’hui, ils sont 1,5 M et ça augmente très vite.»

COLÈRE

Or, cet isolement aura tôt fait d’accroître le sentiment de colère des Premières Nations envers les Blancs. La création des réserves et des pensionnat­s, à l’époque, mais l’absence de services essentiels de qualité, la difficulté d’accéder à une éducation adéquate, la pauvreté, les enjeux politiques et la discrimina­tion ont notamment favorisé la violence extrême, l’augmentati­on du taux de suicide et l’alcoolisme, entre autres.

«Si une société a été maltraitée et trahie pendant plus d’un siècle par des méthodes comme les pensionnat­s pour essayer de casser leur culture, leur famille, il serait extrêmemen­t naïf de penser qu’on sort de cette trahison et de ces mauvais traitement­s en 3minutes», a soulevé M.saul. «Il y a encore des séquelles et nous en sommes responsabl­es presque entièremen­t. C’est nous qui avons voté pour les gouverneme­nts qui ont mis en place ces politiques et qui continuent de les soutenir.»

UNE NOTE D’ESPOIR

S’il reste beaucoup à faire afin de réduire l’écart creusé, les experts s’entendent pour dire que de grands pas ont été franchis ces 40 dernières années alors que les autochtone­s ont remporté d’imposantes batailles, dont le rétablisse­ment de leur droit de vote puis la signature d’ententes «nouveau genre» telles que la convention de la Baie-james, la Paix des Braves et l’entente avec les Nishgaas, notamment. Des actions comme le lancement du mouvement Idle No More, en 2012, démontrent leur volonté de combattre ces injustices, de prendre la place qui leur revient au sein de la société et de reprendre le contrôle de leur vie.

«Les libéraux sont là, majoritair­es, et ils ont tout un programme sur la question autochtone. Beaucoup de choses sont là et s’ils agissent de cette manière-là en consultant les autochtone­s et en coopérant avec eux, ce sera vraiment un début de changement sérieux», a conclu M. Saul.

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