Le Journal de Quebec

Thomas H. Cook au sommet de son art

Thomas H. Cook, ténor du roman noir américain, vient de signer l’une de ses plus sombres et de ses plus brillantes histoires. À découvrir sans faute.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Rares sont les écrivains qui ont officieuse­ment amorcé leur carrière avant même de pouvoir traverser la rue tout seuls ou de réciter parfaiteme­nt leurs tables de multiplica­tion. C’est d’ailleurs à se demander si Thomas H. Cook n’est pas sorti du ventre de sa mère avec un stylo à la main, puisqu’il a entamé la rédaction de son premier roman à l’âge de 8 ans! «Essentiell­ement autobiogra­phique, il n’était toutefois pas très bon, confie le célèbre romancier américain qui, après une longue tournée en France, a accepté de répondre par courriel à nos questions au cours d’un bref séjour à Berlin. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours ressenti le besoin d’écrire. J’ai donc persévéré jusqu’à ce que, une vingtaine d’années plus tard, Safari dans la 5e avenue (Blood Innocents)

soit publié.»

Après la sortie de ce livre, il avoue cependant avoir été assez surpris d’apprendre qu’il venait en fait de signer son premier polar. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’avait pas réalisé que

Safari dans la 5e avenue tenait davantage du roman policier que du roman tout court. «Aux États-unis, il a été en nomination pour le prix Edgar Allan Poe, ajoute Thomas H. Cook. Ce qui explique pourquoi j’ai rapidement été étiqueté comme auteur de polars, même si deux des livres que j’ai écrit par la suite n’appartenai­ent pas du tout à ce genre.» Mais en ce qui concerne Le crime de Ju

lian Wells, son 30e roman – et le 19e à avoir été traduit en français –, aucun doute n’est permis: Thomas H. Cook a bel et bien mis sa vaste expérience à profit pour nous offrir l’une de ses plus noires histoires.

Un crime invisible

Tout commence par un suicide: celui de Julian Wells, un écrivain qui a parcouru la planète pour enquêter sur des épisodes particuliè­rement glauques de l’histoire. Au cours d’une belle journée ensoleillé­e, il s’est en effet ouvert les veines sans laisser le moindre mot d’explicatio­n derrière lui.

Très affecté par cette disparitio­n soudaine, le critique littéraire Philip Anders tentera donc de découvrir ce qui a bien pu pousser son meilleur ami à vouloir en finir avec la vie. Son unique piste? L’étrange dédicace du premier livre de Julian, Les tortures de Cuenca. Avant de relater par le menu un triste fait divers qui a ébranlé l’espagne au début du 20e siècle – deux bergers ont été torturés et emprisonné­s pendant 11 ans pour le meurtre d’un simple d’esprit qui, peu après leur li- bération, a été revu vivant dans un village des environs –, Julian a écrit une courte phrase sibylline qui n’avait finalement peut-être rien de drôle: «Pour Philip, le seul témoin de mon crime». «Dans une certaine mesure, Le crime

de Julian Wells a été inspiré par mes propres voyages, explique Thomas H. Cook. Mais j’avais également le désir de ne pas camper l’intrigue dans un contexte aussi claustroph­obe qu’un huis clos ou un crime relativeme­nt évident. Ce qui explique pourquoi ce livre se déroule aux quatre coins du monde ou pourquoi le crime de Julian Wells sera longtemps invisible. Car ce ne sera ni un viol ni un meurtre. Alors de quoi s’agitil? Telle est la question que je voulais que le lecteur ne cesse de se poser.»

De buenos Aires à rostov

À l’instar de Thomas H. Cook, Julian et Philip ont jadis passé plusieurs semaines en Argentine. Un périple de jeunesse marqué par la disparitio­n de leur guide, une jeune et jolie orpheline originaire du Chaco sans doute victime de la «sale guerre», la gente militaire enlevant à l’époque à tout va quantité d’innocents soupçonnés d’aider les Montoneros.

Malgré tous ses efforts, Julian n’a jamais pu retrouver Marisol et à partir de là, il a passé le reste de sa vie à marcher dans les traces des plus grands tueurs de tous les temps: les nazis – notamment lors de leur passage à Oradour-sur-glane –, Gilles de Rais, la comtesse Erzsébet Báthory ou Andreï Tchikatilo, alias le Monstre de Rostov. «J’ai spécifique­ment choisi ces sujets parce que, dans chaque cas, les victimes étaient toujours totale- ment innocentes, souligne Thomas H. Cook. Et c’est ce fait qui finira par devenir l’un des seuls vrais indices du crime de Julian Wells…»

Un polar incroyable­ment bien ficelé dont le dénouement nous a carrément arraché un cri de surprise.

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Le crime de Julian WellsThoma­s H. Cook, aux Éditions du Seuil,304 pages

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