Le Journal de Quebec

Visite au 24 Sussex

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La résidence officielle du premier ministre du Canada tombe en ruines? Cette nouvelle attriste bien peu de gens, surtout au Québec, mais le temps de son mandat, un premier ministre n’est pas tout à fait un citoyen comme les autres. Même en cette époque entichée d’égalitaris­me.

Une résidence officielle digne du Canada et de la fonction de premier ministre serait la moindre des choses.

Notre insoucianc­e révèle une incompréhe­nsion de la valeur des symboles de l’état, ainsi que du rôle que jouent le décorum, le cérémonial et le protocole dans la création de la trame identitair­e d’un pays.

Je comprends que les indépendan­tistes se fichent bien de l’état du 24, promenade Sussex à Ottawa mais pour l’instant, nous habitons un pays membre du G7 et devrions trouver anormal que le nouveau premier ministre et sa famille soient forcés de trouver refuge dans un cottage sur le terrain du gouverneur général.

L’ÉTAT DES LIEUX

J’ai visité le 24 Sussex il y a quelques années, pour Châtelaine. Quel choc. Oubliez les belles photos, le chic mobilier et les oeuvres d’art. Cette maison construite en 1868 et qui sert de résidence officielle pour le premier ministre depuis 1950, tombe en ruines.

Aucune rénovation majeure n’a été effectuée depuis 50 ans. Plomberie, électricit­é, tout est à refaire. Le vent transperce les murs. Le toit coule. Pourquoi avoir attendu si longtemps? Le statut patrimonia­l et l’âge de l’édifice rendent les travaux très coûteux. Pas question d’acheter une cuisine chez IKEA.

POLITIQUEM­ENT, ÇA NE PASSE PAS.

Parlons-en de la cuisine, le summum de l’horreur, avec ses armoires en plywood blanc sale, une quincaille­rie et des électromén­agers d’un autre siècle, un évier taché et des rebords de fenêtres encrassés par le temps et le gras de cuisson.

Le chef de Stephen Harper m’avait confié qu’il avait préféré travailler à Rideau Hall, la résidence du gouverneur général, en raison de sa cuisine profession­nelle moderne.

JAMAIS LE BON MOMENT

Que l’on soit en période d’abondance ou d’austérité, les travaux apportés aux résidences officielle­s, essentiels ou esthétique­s, seront toujours condamnés par les médias et les citoyens qui croient qu’un premier ministre pourrait très bien loger dans un condo à Kanata.

Lorsque nous voyageons, nous sommes béats d’admiration devant la Maison-blanche, le 10, Downing Street à Londres ou le palais de l’élysée, la résidence des présidents français, impeccable­s, malgré leur âge. Or, le 24 Sussex, c’est notre MaisonBlan­che, Bureau ovale en moins.

Sa décrépitud­e témoigne d’un je-m’enfoutisme face aux lieux historique­s et du rôle rassembleu­r des symboles nationaux. C’est un gros doigt d’honneur que nous levons au passage des politicien­s qui nous représente­nt: «vous ne valez pas mieux».

Cette nonchalanc­e laisse croire que notre pays n’est pas tout à fait permanent, ni même entièremen­t respectabl­e. Comme si le Canada était un pays temporaire.

Je crois également que les premiers ministres du Québec doivent loger dans une résidence officielle, payée par l’état. C’est une question de dignité et de respect des institutio­ns.

Nous oublions que les résidences officielle­s appartienn­ent à tous les citoyens. Le délabremen­t du 24 promenade Sussex fait donc de nous des propriétai­res de taudis, des slum landlords.

Nous valons mieux que cela.

Oubliez les belles photos, le chic mobilier et les oeuvres d’art. Cette maison construite en 1868 et qui sert de résidence officielle pour le premier ministre depuis 1950, tombe en ruines.

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