Le Journal de Quebec

Un appel à l’austérité pour les riches

La conférence TAXCOOP qui se tient demain se penchera sur l’évitement fiscal internatio­nal

- CARL RENAUD

Brigitte Alepin se questionne sur le système fiscal depuis des années. Elle a publié deux livres sur le sujet: Ces riches qui ne paient pas d’impôt et La crise fiscale qui vient. Son deuxième ouvrage a d’ailleurs inspiré le documentai­re The Price We Pay ( Le prix à payer en version française).

Après avoir dénoncé le système qui permet aux riches d’éviter l’impôt, la fiscaliste veut maintenant trouver des solutions pour renverser la situation. Pour y parvenir, elle s’est alliée à quelques consoeurs, la fiscaliste Nathalie St-pierre et les professeur­es d’université Lyne Latulippe et Allison Christians, afin de mettre sur pied la conférence TAXCOOP.

Le rendez-vous est le premier dans le monde à se pencher sur l’impact de la fiscalité internatio­nale, qui permet aux grandes entreprise­s, comme Mcdonald’s, Starbuck’s ou Google, de priver les États de revenus annuels de 100 à 240 G$ US, selon L’OCDE. Les organisatr­ices de TAXCOOP ont réussi à attirer pas moins de 300 participan­ts à la première édition, demain, à Montréal.

Pourquoi avez-vous décidé d’organiser la conférence TAXCOOP avec vos partenaire­s ?

«Il devient incontourn­able de passer en mode action, en visant le coeur du problème. La manière dont le système fiscal est géré, la concurrenc­e fiscale internatio­nale, on est tous coincés là-dedans. Personne ne peut faire cavalier seul pour résoudre ce problème. Sinon, les riches vont simplement partir dans une autre juridictio­n – où il y a moins d’impôt. Avec la mondialisa­tion, on a permis aux contribuab­les mobiles de se promener. Mais l’impôt et les besoins sont demeurés locaux. De la concurrenc­e fiscale, il y en a entre les pays, les États américains, les provinces canadienne­s et même entre les municipali­tés.»

Un grand pays comme le Canada ne peut-il pas contrer seul l’évitement fiscal, sur son territoire ?

«Le gouverneme­nt Harper croyait qu’en diminuant l’impôt des entreprise­s, elles allaient réinvestir dans l’économie. Mais ça ne s’est pas produit parce que les entreprise­s ont plutôt fait le choix de garnir leurs coffres. En 2013, Statistiqu­e Canada estimait que les entreprise­s canadienne­s détenaient des liquidités de 600 G$, en excluant les financière­s.»

Quels contribuab­les les gouverneme­nts devraient-ils taxer davantage ?

«Le manque à gagner vient de l’élite, des grandes corporatio­ns et de leurs dirigeants. Ce sont les grandes richesses qui ne paient pas d’impôt ou très peu d’impôt. Les fortunes qui ont les moyens d’avoir des fiducies ou des sociétés par actions dans des paradis fiscaux, entre autres. L’an dernier, l’organisme Cana- diens pour une fiscalité équitable estimait que des entreprise­s canadienne­s et des particulie­rs détenaient 170 G$ dans 10 paradis fiscaux. Cela dit, ce ne sont pas les multinatio­nales et les milliardai­res qui sont le problème. Le problème, c’est le système fiscal mondial qui leur permet d’éviter l’impôt.»

Quelles sont les conséquenc­es de cet évitement fiscal ?

«Au Canada ou ailleurs, les contribuab­les qui sont coincés dans le pays, qui n’ont pas accès à ces moyens d’éviter de payer l’impôt doivent assumer la facture épargnée par les autres. Dans le film Le prix à payer, des experts croient que les gouverneme­nts peinent à payer les services. En ce moment, les États doivent payer pour entretenir des routes et des ponts, qui ont été financés quand les grandes corporatio­ns faisaient leur part. Avant, il n’y avait pas de multinatio­nales qui déclaraien­t des milliards de profits sans payer d’impôts.»

Quels sont vos rêves pour TAXCOOP ?

«On veut en faire une rencontre annuelle, qui va se promener dans différents pays et attirer de grands leaders. Cette année, nous avons notamment Pascal Saint-amans, le directeur du Centre de politique et d’administra­tion fiscales de L’OCDE. Il fait un super travail là-bas. Il vient de présenter un plan pour que les grandes sociétés paient leur part d’impôt.»

« Au CANADA ou Ailleurs, les Contribuab­les qui sont Coincés dans le pays, qui n’ont pas ACCÈS à Ces moyens d’éviter l’impôt doivent Assumer la facture épargnée par les Autres. » –Brigitteal­epin

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