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Les Écossais ont réussi à redonner du lustre au cousin du pont de Québec
ÉDIMBOURG | Le pont de Québec a un cousin en Écosse, qui appartient aussi à une compagnie ferroviaire. Le Forth Bridge, un pont cantilever, fait la fierté d’édimbourg et du pays tout entier avec son éclatante peinture fraîchement refaite à grands frais et sa récente reconnaissance par L’UNESCO.
«C’est une icône. Les gens viennent de partout à travers le monde pour le voir. C’est une fierté nationale, il n’y a aucun doute. Ça fait partie de notre paysage, de notre identité nationale. C’est incroyablement puissant comme symbole», témoigne Craig Bowman, directeur des communications pour Railway Network, la société ferroviaire propriétaire du pont.
Pendant que le pont de Québec rouille et que le débat sur sa peinture s’éternise, Le Journal s’est rendu en Écosse pour discuter d’un projet qui a abouti sous l’impulsion des pressions populaires et politiques. Nous avons eu le privilège d’arpenter la structure de type cantilever semblable à celle du pont de Québec, mais qui est réservée aux trains. Si la travée centrale du pont de Québec est plus longue que celles du Forth Bridge – qui en a deux –, ce dernier est plus long au total.
Ce pont ferroviaire a aujourd’hui fière allure. Sa couleur écarlate change de teinte selon la lumière et attire inévitablement les regards.
Cela n’a pas toujours été le cas. Dès notre arrivée à Édimbourg, un chauffeur de taxi donne le ton. «En Écosse, quand quelque chose prend trop de temps, nous avons l’habitude de dire: “C’est comme le Forth Bridge! Ça prend une éternité.”» La boutade revient pratiquement chaque fois qu’on évoque le pont avec un Écossais.
CONSTAMMENT EN RÉPARATION
Pendant des années, le pont a été enrubanné d’échafaudages parce que constamment repeint. «Quand on avait fini, il fallait recommencer à l’autre bout», explique Ian Heigh, chargé de projet chevronné chez Railway Network. La société ferroviaire a été privatisée dans les années 90, mais est revenue dans le giron public au début des années 2000. Un passage au privé qui a laissé des traces, puisque les infrastructures ont manqué d’entretien à cause des coûts astronomiques. Au début des années 2000, des études ont démontré que le pont était sécuritaire, mais que la rouille qui l’attaquait pourrait lui faire perdre son intégrité architecturale avec le temps, explique M. Heigh.
Le public était mécontent de son allure, les politiciens en ont fait une priorité. Railway Network a embarqué. «Si le pont a mauvaise mine, c’est mauvais pour la réputation de la compagnie. On ne peut pas le laisser aller», argue Craig Bowman.
RECETTE MIRACLE DE PEINTURE
Cela a donné le coup de départ à une décennie de travaux. Un chantier très dispendieux, mais les ingénieurs ont calculé que c’était plus avantageux de donner un grand coup que de repeindre à la pièce avec une peinture standard.
Les ouvriers ont d’abord enlevé la vieille peinture au jet de sable et récupéré tous les débris, le tout à l’intérieur d’échafaudages étanches. Sur l’acier nu, on a apposé un apprêt ( base coat), un revêtement d’époxy composé d’écailles de verre ( glass flakes) et finalement une peinture laquée rouge. Les 6,5 millions de rivets ont été peints à la main. Le système crée une armure, le même principe qui est appliqué sur les plates-formes de forage dans la mer du Nord. Le gérant de projet est convaincu qu’avec ce type de peinture, Québec n’aurait plus à craindre que les intempéries et les sels de déglaçage n’abîment son pont.