Le Journal de Quebec

Le visage du diable

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

Officielle­ment, c’est un fait divers repoussant, mais un fait divers quand même. Frustré d’avoir été largué par sa petite amie, qui s’était ensuite jetée dans les bras d’un autre, un jeune homme de Trois-rivières, Kaven Sirois, a décidé de la torturer et de la tuer, ainsi que son nouveau copain. La mère de la jeune fille devait aussi y passer. Finalement, le mauvais sort s’est abattu sur sa soeur. Et il a associé un garçon de 17 ans à son entreprise.

Son plan: les faire souffrir au maximum, les tuer, descendre les policiers qui se rendraient sur place, puis se suicider. Comme nous l’a appris Le Nouvellist­e, il avait apporté toute la quincaille­rie nécessaire. Des armes à feu, des produits explosifs, du barbelé et même une râpe à fromage! On imagine la cruauté du châtiment qu’il leur réservait. Il s’est contenté de tirer à chacun une balle dans la tête. Trop aimable...

DIABOLIQUE

Devant un tel crime, notre société a une réponse immédiate: le tueur était tout simplement malade. Il était fou. Jamais un homme sain d’esprit ne pourrait commettre un tel crime. En un sens, c’est vrai. Il y a là une démence absolue. Mais nous esquivons peut-être une part essentiell­e du problème en réduisant la question du mal à celle de la maladie. Nous aimons croire l’homme bon ou ma- lade. On a du mal à croire que certains sont simplement mauvais.

On parlait autrefois du diable. Laissons-le de côté avec ses cornes et son odeur de soufre. Mais reconnaiss­ons que certains hommes semblent possédés par une rage de destructio­n et en viennent même à érotiser la souffrance qu’ils pourraient infliger aux autres. D’une certaine manière, on peut dire que Kaven Sirois était «possédé». La tentation du mal l’a emporté. Surtout, il n’y a pas résisté. Car on l’oublie souvent, mais on peut y résister, ne pas s’y soumettre.

Torturer l’autre, le tuer, soumettre son existence à nos caprices et à nos désirs, c’est jouir d’un sentiment de toute-puissance. Et se suicider au terme du crime, c’est une manière de dire qu’on sera son seul juge et que le monde s’arrêtera avec nous. On aura beau avoir toute la charité chrétienne du monde et se montrer sensible aux tourments de l’âme hu- maine, ce sont des crimes impardonna­bles.

LAXISME

Le juge l’a bien compris. Étant donné le caractère exceptionn­el du crime et son côté aussi planifié que prémédité, il n’a pas traité Kaven Sirois à la manière d’un adolescent criminel comme un autre. Il l’a condamné à la perpétuité. C’est-à-dire qu’il fera au moins huit ans de prison. À 26 ans, il pourrait gambader en liberté en obtenant sa libération conditionn­elle. Mais laissons de côté ce problème. Le laxisme débile de notre système de justice n’est plus à démontrer.

Confessons le pire: méditer sur de tels crimes pousse au pessimisme extrême. On se sent impuissant devant un coeur empoisonné par les pires sentiments. On ne pourra jamais en finir une fois pour toutes avec de telles tueries. Comme l’écrivait Soljenitsy­ne, le mal est dans le coeur de l’homme et il n’est pas en notre pouvoir de l’en extirper. L’homme découvre là ses limites. Autrefois, il se serait tourné vers le Ciel. Aujourd’hui, il n’y croit plus.

Devant un tel crime, notre société a une réponse immédiate : le tueur était tout simplement malade. Il était fou. Jamais un homme sain d’esprit ne pourrait commettre un tel crime.

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