Si le « Non » m’était conté
Pour marquer le 20e anniversaire du dernier référendum, nous avons été nombreux à décortiquer les impacts de la défaite sur le mouvement souverainiste. Plus rares ont été ceux qui se sont penchés sur les répercussions pour les fédéralistes québécois de leur propre courte victoire.
À l’exception notoire d’éviter l’indépendance du Québec, cette victoire ne leur apporterait pourtant rien d’autre. Ni pouvoirs supplémentaires. Ni reconnaissance du Québec dans la Constitution. Pour les fédéralistes québécois dont le «Non» était porteur d’un espoir de «changement», la récolte fut amère.
Le premier ministre Jean Chrétien poussa même l’ingratitude jusqu’à nier le droit du Québec à l’autodétermination par sa loi dite «sur la clarté». Un droit pourtant reconnu par l’ensemble de la classe politique québécoise.
Au Québec, les lendemains du référendum déchantèrent autant chez les fédéralistes que chez les souverainistes, Lucien Bouchard refusant de livrer la «prochaine fois» qu’il avait promise pour bientôt et Jean Chrétien oubliant sa promesse d’offrir des «solutions innovatrices» pour éviter une nouvelle «crise existentielle».
DOUBLE IMPASSE
Le refus des deux hommes à tenir parole est la cause première de la double impasse dans laquelle le Québec s’enlise depuis. Les souverainistes ne sachant plus si l’indépendance se fera un jour. Les fédéralistes se butant depuis à une porte irrémédiablement fermée.
Dans une lettre parue vendredi, l’exdéputé libéral Jean-claude Gobé se désolait de «toutes ces énergies gaspillées» par ce refus d’accommoder la «volonté de changement» des Québécois dans la fédération.
Or, de nombreux Québécois espèrent toujours une «nouvelle entente» au sein du Canada. La capacité exceptionnelle de cette «troisième voie» autonomiste à résister à la réalité même la plus objective est un mystère.
Selon un sondage CROP récent, au moins 4 francophones sur 10 en rêvent encore. Chez les 18-34 ans, 52 % des répondants disaient même «préférer» une «nouvelle entente» avec le Canada à l’indépendance ou au statu quo.
UN RÊVE TENACE
Que les plus jeunes ignorent l’échec pourtant déterminant de l’accord du Lac Meech n’étonne guère en cette ère d’immédiateté triomphante. Une ère où ce qui nous a précédés ne semble même pas avoir existé.
Quant aux 3564 ans, leur appui tenace au rêve d’une «troisième voie» s’explique en partie par un manque évident de connaissance de la dynamique politique réelle hors Québec. Ce qui n’a rien de nouveau.
Même de plus en plus incertain, le défi des souverainistes reste cependant le même: tenter de convaincre une majorité de Québécois.
À l’opposé, les autonomistes ne peuvent rien sans interlocuteurs sérieux hors Québec.
Or, aucun leader politique n’y souhaite revivre un psychodrame constitutionnel. En cela, le rêve des fédéralistes autonomistes ne va pas sans rappeler l’inaccessible étoile de Don Quichotte.
Pierre Elliott Trudeau combattait le nationalisme québécois. Brian Mulroney tenta de l’accommoder. Le second a échoué. Le premier a réussi. Assermenté demain au poste de premier ministre, son fils Justin ne fera probablement ni l’un ni l’autre.
Vingt ans après le référendum, à tort ou à raison, la «question du Québec» au Canada ne se pose même plus. Philippe Couillard le sait trop bien.
Le rêve des fédéralistes autonomistes ne va pas sans rappeler l’inaccessible étoile de Don Quichotte