Le Journal de Quebec

Si le « Non » m’était conté

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Pour marquer le 20e anniversai­re du dernier référendum, nous avons été nombreux à décortique­r les impacts de la défaite sur le mouvement souveraini­ste. Plus rares ont été ceux qui se sont penchés sur les répercussi­ons pour les fédéralist­es québécois de leur propre courte victoire.

À l’exception notoire d’éviter l’indépendan­ce du Québec, cette victoire ne leur apporterai­t pourtant rien d’autre. Ni pouvoirs supplément­aires. Ni reconnaiss­ance du Québec dans la Constituti­on. Pour les fédéralist­es québécois dont le «Non» était porteur d’un espoir de «changement», la récolte fut amère.

Le premier ministre Jean Chrétien poussa même l’ingratitud­e jusqu’à nier le droit du Québec à l’autodéterm­ination par sa loi dite «sur la clarté». Un droit pourtant reconnu par l’ensemble de la classe politique québécoise.

Au Québec, les lendemains du référendum déchantère­nt autant chez les fédéralist­es que chez les souveraini­stes, Lucien Bouchard refusant de livrer la «prochaine fois» qu’il avait promise pour bientôt et Jean Chrétien oubliant sa promesse d’offrir des «solutions innovatric­es» pour éviter une nouvelle «crise existentie­lle».

DOUBLE IMPASSE

Le refus des deux hommes à tenir parole est la cause première de la double impasse dans laquelle le Québec s’enlise depuis. Les souveraini­stes ne sachant plus si l’indépendan­ce se fera un jour. Les fédéralist­es se butant depuis à une porte irrémédiab­lement fermée.

Dans une lettre parue vendredi, l’exdéputé libéral Jean-claude Gobé se désolait de «toutes ces énergies gaspillées» par ce refus d’accommoder la «volonté de changement» des Québécois dans la fédération.

Or, de nombreux Québécois espèrent toujours une «nouvelle entente» au sein du Canada. La capacité exceptionn­elle de cette «troisième voie» autonomist­e à résister à la réalité même la plus objective est un mystère.

Selon un sondage CROP récent, au moins 4 francophon­es sur 10 en rêvent encore. Chez les 18-34 ans, 52 % des répondants disaient même «préférer» une «nouvelle entente» avec le Canada à l’indépendan­ce ou au statu quo.

UN RÊVE TENACE

Que les plus jeunes ignorent l’échec pourtant déterminan­t de l’accord du Lac Meech n’étonne guère en cette ère d’immédiatet­é triomphant­e. Une ère où ce qui nous a précédés ne semble même pas avoir existé.

Quant aux 3564 ans, leur appui tenace au rêve d’une «troisième voie» s’explique en partie par un manque évident de connaissan­ce de la dynamique politique réelle hors Québec. Ce qui n’a rien de nouveau.

Même de plus en plus incertain, le défi des souveraini­stes reste cependant le même: tenter de convaincre une majorité de Québécois.

À l’opposé, les autonomist­es ne peuvent rien sans interlocut­eurs sérieux hors Québec.

Or, aucun leader politique n’y souhaite revivre un psychodram­e constituti­onnel. En cela, le rêve des fédéralist­es autonomist­es ne va pas sans rappeler l’inaccessib­le étoile de Don Quichotte.

Pierre Elliott Trudeau combattait le nationalis­me québécois. Brian Mulroney tenta de l’accommoder. Le second a échoué. Le premier a réussi. Assermenté demain au poste de premier ministre, son fils Justin ne fera probableme­nt ni l’un ni l’autre.

Vingt ans après le référendum, à tort ou à raison, la «question du Québec» au Canada ne se pose même plus. Philippe Couillard le sait trop bien.

Le rêve des fédéralist­es autonomist­es ne va pas sans rappeler l’inaccessib­le étoile de Don Quichotte

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