Le Journal de Quebec

Grand parleur, petit faiseur

- JOSEPH FACAL

C’est aujourd’hui que Justin Trudeau dévoilera la compositio­n de son gouverneme­nt.

Il a cependant déjà pris une décision majeure: cesser la participat­ion canadienne aux opérations militaires contre les terroriste­s du groupe armé «État islamique».

Il est vrai qu’en termes de volume, la participat­ion canadienne était symbolique. Ce n’est pas elle qui allait faire une différence sur le terrain.

C’est d’ailleurs l’un des arguments principaux de ceux qui applaudiss­ent cette décision. Mais on peut voir les choses tout autrement.

Notre participat­ion était symbolique, mais il y a des symboles importants, cruciaux même, en raison du message qu’ils envoient à nos alliés et à nos ennemis.

ALLIÉS

Le message envoyé à nos alliés par le retrait canadien est que nous comptons maintenant sur eux pour qu’ils règlent NOS problèmes.

Le message envoyé à nos ennemis est que le Canada peut être intimidé et perd sa déterminat­ion dès que les affaires se corsent. Oui, j’ai bien écrit: NOS problèmes. Combien faudra-t-il de complots déjoués chez nous, de jeunes endoctriné­s chez nous, qui se joignent ou essaient de se joindre à la nébuleuse islamo-fasciste, pour que l’on comprenne que le Canada est à la fois l’une des cibles visées et l’un des foyers de la radicalisa­tion ?

Dans ce contexte, la décision du nouveau gouverneme­nt ne prend plus les allures d’une sage retenue, mais d’une abdication de nos responsabi­lités.

On peut à bon droit trouver que la politique étrangère de Stephen Harper était trop systématiq­uement pro-américaine et qu’un peu de recul est parfois le bienvenu.

Il faudrait toutefois être aveuglé par un anti-américanis­me furibond pour soutenir que la politique de Barack Obama, d’une grande retenue dans le domaine militaire, est la même que celle de George W. Bush.

Ironie suprême, à partir du moment où Vladimir Poutine met le poids militaire de la Russie derrière le régime Assad en Syrie et s’attaque aux rebelles islamistes, il devient notre allié objectif.

Vous allez voir que le ton canadien à son endroit va subitement changer. C’est aux autres que le Canada recommence­ra à faire la morale.

Imaginez d’ailleurs un instant un face-à-face, sans conseiller­s, dans le blanc des yeux, pour parler des «vraies affaires», entre Justin Trudeau et un prédateur au sangfroid comme M. Poutine.

RETOUR

Plusieurs voient en M. Trudeau le premier homme politique canadien du XXIE siècle. C’est très vrai dans un sens. La philosophi­e Passe-Partout est arrivée au pouvoir.

Mais il y a aussi, dans son accession au pouvoir, comme un retour du balancier. On revient à une grande spécialité canadienne: se soucier d’abord de soigner son image internatio­nale à peu de frais.

Cela faisait jadis bel effet dans les chaumières canadienne­s. Depuis 1945, aucun de nos soldats ne mourrait, et nous gardions nos mains propres et notre conscience pure. Nous n’intervenio­ns que pour distribuer vivres et couverture­s aux éplorés.

Cela se justifiait davantage quand on ne faisait pas face à un ennemi mortel. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

La philosophi­e Passe-partout est arrivée au pouvoir

cjoseph. facal@quebecorme­dia.com L@ josephfaca­l

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