Enlevez vos lunettes de préjugés pour bien nous voir
Réplique à l’article «Nègres rouges d’amérique» de Richard Martineau, Journal de Montréal Monsieur Martineau,
Votre chronique du 29 octobre intitulée les «Nègres rouges d’amérique» nous laisse perplexes et nous désole. Si la partie statistique donne un portrait relativement juste de la situation des Premières Nations, vous portez à l’égard des Conseils des communautés un jugement gratuit et biaisé qui ne correspond vraiment pas à la réalité. Nous y dénotons avec regret un certain mépris non justifié à l’égard du travail des représentants élus des communautés des Premières Nations.
Nous, Chefs des communautés anicinapek d’abitibiwinni et de Lac-simon, nous sentons directement concernés, puisque nous représentons les communautés directement touchées par la crise actuelle. Permettez-nous donc d’apporter quelques précisions essentielles à votre compréhension.
D’abord, il convient de souligner que vous avez décidé de généraliser outrancièrement certaines situations inacceptables de la part d’un nombre très restreint de conseils de Premières Nations. Ce faisant, vous dépeignez une image fausse de nos gouvernements locaux, allant même jusqu’à nous comparer à des «gangs organisés».
En prenant compte de la totalité des budgets consacrés aux «affaires autochtones», on pourrait facilement affirmer qu’il s’agit d’un montant très important. Il faut toutefois relativiser. Nos conseils ont non seulement des responsabilités semblables à celles des municipalités, mais elles assument également plusieurs responsabilités normalement dévolues aux gouvernements fédéral et provincial. Ces sommes servent donc à gérer et préserver les bâtiments publics, mettre en branle les travaux publics d’infrastructures dans les réserves, dispenser les services d’éducation et ceux de la petite enfance, assurer la sécurité publique, etc.
Un autre facteur que vous passez sous silence est l’énorme part des sommes qui sert à la bureaucratie du ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, un monstre bureaucratique consti- tué de milliers de fonctionnaires. Quand on y regarde de plus près (ce qui a été fait par plusieurs études), dans la grande majorité des cas, le niveau de financement que nous recevons n’est pas suffisant pour répondre à l’ensemble des besoins. C’est notamment le cas au niveau de l’éducation, un secteur injustement sous-financé depuis plusieurs décennies, tout comme le sont les services policiers et les programmes de santé et de services sociaux.
Un peu simpliste cette image perpétuée d’un Conseil véreux qui s’en met plein les poches. Cette image galvaudée nous paraît bien utile pour se détourner de la misère qui, elle, est bien réelle dans de nombreuses communautés. Cette vision grossière ne rend pas justice à l’ensemble des intervenants qui se consacrent entièrement à la mise en oeuvre de solutions, malgré des programmes inadéquatement conçus et souvent sous financés.
Dans la crise actuelle, soyez assuré que nous assumons nos responsabilités et que notre attention se porte vers nos communautés, nos membres, nos femmes. Soyez également assuré que nous n’avons pas, dans ces circonstances, besoin d’une autre opinion mal éclairée qui entretient mépris et racisme à notre égard.
Nous sommes conscients des difficultés immenses auxquelles nous faisons face. La solution ne sera ni rapide, ni facile, ni simple. Chose certaine, elle ne peut pas venir des gouvernements seulement. Elle doit passer par nous et nous aurons besoin de toute l’aide possible.
Nous vous invitons à prendre conscience de nos richesses. De ne pas oublier l’apport de notre présence dans votre établissement sur le territoire, et ce, depuis des siècles. Nous ne sommes pas que de simples statistiques, nous sommes un ensemble de cultures différentes, une vision et une histoire du monde à préserver. Nous sommes des peuples fondateurs fiers et dignes. Si vous persistez dans vos préjugés, vous ne verrez rien de cela.