Ce qui change aujourd’hui
Ce matin, les Canadiens découvriront leur nouveau gouvernement. De nouveaux visages, dont certains assez jeunes, descendront d’un autobus et s’inviteront dans nos bulletins de nouvelles et dans les pages de nos journaux.
L’arrivée des conservateurs, après plus de douze ans de règne libéral, avait provoqué le même genre de curiosité en 2006. On ne savait pas encore, à l’époque, à quel point cette nouvelle donne allait introduire des changements déterminants. Stephen Harper, minoritaire, s’était fait élire avec cinq engagements minimalistes.
Cette fois-ci, c’est le contraire. Après avoir tiré profit des faibles attentes à son endroit au cours de la campagne, Justin Trudeau semble maintenant s’évertuer à les faire monter. Cabinet pa- ritaire; fin des bombardements contre Daesh; ouverture aux dons de sang pour les hommes homosexuels; réaffirmation des engagements quant à la réforme du mode de scrutin et à la légalisation du cannabis; retour du questionnaire long du recensement; espoirs en vue d’une amélioration des conditions des peuples autochtones: le discours du Trône prendra des allures de buffet.
LE RETOUR D’OTTAWA
On l’a abondamment écrit, mais ça entraînera d’autres changements, plus contextuels, à la dynamique politique canadienne.
Le premier, c’est que subitement, l’arène fédérale semble plus intéressante. Peu de gens pouvaient nommer plus de cinq ministres conservateurs, avant les dernières élections. Avec le côté glamour introduit par Justin Trudeau, ça va changer.
Ajoutons à cela que, pendant que le gouvernement Couillard en est à rééquilibrer les finances publiques à Québec, les libéraux s’amènent à Ottawa en annonçant ouvertement qu’ils adopteront des budgets déficitaires. C’est d’ailleurs la promesse qui leur a permis de se différencier des néo-démocrates. Les municipalités et les différents groupes de pression, habitués de se tourner systématiquement vers le palier provincial, se retrouveront peut-être à solliciter le fédéral plus spontanément.
Quand vient le temps d’accéder à davantage de ressources, les citoyens se préoccupent peu de la couleur du drapeau qui se trouve sur le chèque. Ça risque de créer de drôles de situations où les empiétements dans les champs de compétence provinciale seront exigés par la base, avec la complicité du gouvernement libéral à Québec. Le contexte sera compliqué pour les souverainistes et ça ne sera pas seulement à cause du visage amical de Justin Trudeau.
UN NOUVEAU DÉBAT PUBLIC
Il suffit d’écouter les radios privées de Québec pour percevoir que les changements à Ottawa placeront une certaine catégorie de citoyens en dissonance cognitive. Habitués de critiquer bruyamment les dépenses d’un «Québec dans le rouge», on aimait bien ce gouvernement économe venu de l’ouest, qui assumait son militarisme et qui réglait son déficit à coups de pétrodollars. Maintenant, le prix du pétrole est tombé et c’est Ottawa qui s’apprête à retourner dans le rouge et volontairement à part de ça. Sans prévoir de grandes conversions indépendantistes dans ce processus, cela reconfigurera assurément le débat public que la droite se préoccupe subitement de ce qui se passe au fédéral.
Des changements, il y en aura d’autres, des déceptions aussi. Mais, au-delà des nouveaux visages, une chose est indéniable: un nouveau contexte s’installe à Ottawa et il aura des répercussions déterminantes sur la politique québécoise et municipale. Les analystes auront du plaisir à décortiquer tout ça.
« Subitement, l’arène fédérale semble plus intéressante... Avec le côté glamour introduit par Justin Trudeau, ça va changer »