Philippe Couillard est-il trop pressé ?
Qu’ont en commun Justin Trudeau et la première ministre albertaine Rachel Notley? Trois choses. Premièrement, ils ont tous deux fait campagne pendant un épisode de faible croissance économique. Deuxièmement, ils se sont tous deux engagés à repousser l’équilibre budgétaire pour relancer l’économie. Finalement, ils ont tous deux été élus à la tête d’un gouvernement majoritaire.
CHANGEMENT DE CONTEXTE
Si Philippe Couillard a promis un retour à l’équilibre dès cette année, c’est que sa plate-forme prévoyait 2,1 % de croissance économique par année. Avec une telle performance, les revenus du gouvernement lui auraient permis de réaliser son plan de retour à l’équilibre. Mais, malheur!, on sait maintenant que ce scénario idéal ne se réalisera pas. La croissance sera plutôt de 1,5 %. Et les perspectives ne s’améliorent pas. S’il persiste et signe, Couillard devra probablement couper encore plus que prévu pour atteindre l’équilibre.
SE TIRER DANS LE PIED?
Allons-nous dans la bonne direction? Des recherches économiques suggèrent que non. Dans les conditions actuelles, elles indiquent qu’un retour rapide à l’équilibre pourrait même donner un caractère permanent au marasme qu’on connaît.
D’abord, les fameuses consolidations fiscales (qu’on aime appeler «austérité») réduisent la croissance économique à court terme. L’effet est encore pire en période de faible croissance. Et cet effet néfaste persisterait dans le temps.
Plus grave encore, les compressions draconiennes peuvent réduire durablement le potentiel de croissance de notre économie. Un potentiel déjà affecté par la crise de 2008.
EFFETS DURABLES
Après la crise de 2008, les pays qui sont revenus trop rapidement à l’équilibre budgétaire ou qui ont essayé de le faire en ont souffert pendant des années. Ils ont tous revu leurs prévisions de croissance à la baisse à plusieurs reprises. Aucun pays ayant appliqué la médecine de l’austérité n’y a échappé.
Les politiques d’austérité auraient empiré, sinon causé, ce cauchemar. Sans vouloir tirer de conclusions hâtives pour le Québec, les faits portent quand même à réflexion.
En avril 2014, le Parti libéral du Québec (PLQ) prévoyait une croissance économique de 2,1 % par année. Le dernier budget a abaissé cette prévision à 2 %. L’hiver passé, la Banque Nationale établissait sa prévision à 1,9 %. Puis, en juin, Desjardins abaissait la sienne à 1,5 %. En septembre dernier, la Banque Royale a abaissé ses prévisions de croissance à 1,3 %.
Dans de telles circonstances, un budget moins déficitaire peut contribuer à alourdir le poids de notre dette dans l’économie. Mais cet effet ne se fera sentir que dans quelques années.
LA BONNE MÉTHODE
Cela ne signifie pas qu’il faille donner aux syndiqués du secteur public tout ce qu’ils demandent. Ni que le gouvernement a tort de chercher des gains d’efficacité et d’éliminer toutes sortes de dédoublements. Ni que la taille de l’état ne doit jamais être remise en question.
En fait, mieux vaut procéder en réduisant les dépenses qu’en augmentant les taxes. La confiance des consommateurs et des entreprises serait affectée par une hausse soudaine du fardeau fiscal. La méthode utilisée par le PLQ est donc appropriée. Ce qui pose problème, c’est plutôt l’empressement avec lequel on procède présentement.