Que reste-t-il de nous ?
Que reste-t-il de nous? Je ne parle pas ici du «nous» canadien-français, mais du «nous» qu’est la société québécoise. Que se dirait-il, ce «nous», s’il se regardait sans complaisance dans un miroir? Serait-il fier de la manière dont il prend soin du bien-être de ses propres citoyens?
Dans les derniers jours seulement, un ministre déposait fièrement un projet de loi punitif sur l’aide sociale. Un autre se réjouissait d’avoir fait adopter le sien qui, entre autres choses, «normalise» les «frais accessoires» payés par les patients aux médecins dont la rémunération a pourtant bénéficié d’un rattrapage spectaculaire.
Que se passe-t-il au Québec pour que l’obsession du déficit zéro, austérité ou rigueur budgétaire – appelez la chose comme vous voulez – gruge depuis vingt ans déjà notre préoccupation collective pour une société plus juste?
Qu’est-il arrivé pour que le concept éminemment «libéral» d’égalité des chances passe aujourd’hui sur plusieurs tribunes pour une caricature socialiste?
Comment en sommes-nous arrivés à réduire des experts renommés à signer un appel public à l’aide implorant Ottawa de «défendre le caractère public du système de santé au Québec»?
Où allons-nous quand un projet de loi menace d’appauvrir les plus pauvres pendant que l’exchancelière de l’université Mcgill encaisse une pension annuelle de 371 000 $? Un exemple parmi d’autres d’une caste qui, au Québec, abuse des fonds publics en toute légalité.
L’austérité est une faucheuse à géométrie très variable.
Derrière combien de portes se cachent des « proches aidants » à bout de souffle ?
POUR L’AVENIR
Ces questions se posent. Non pas par nostalgie de la Révolution tranquille, mais par souci pour l’avenir. Souverain ou non, quel Québec sommes-nous en voie de nous façonner pour les prochaines décennies?
Voulons-nous vraiment d’une société qui se désolidarise peu à peu alors qu’en Occident, y compris à Ottawa et Calgary, de plus en plus de gouvernements tournent le dos à l’austérité?
Au Québec, derrière un système de santé «universel et gratuit», on trouve pourtant déjà plus de 30 % de dépenses de nature privée. À regarder aller nos gouvernements, elles le seront sûrement de plus en plus.
ATTENDRE…
Le Commissaire à la santé – lequel relève du même ministère –, mène un sondage à l’avenant où il demande aux répondants pour quels soins l’état devrait payer à l’avenir.
En substituant l’opinion à la science, ce sondage est-il un premier pas vers une prochaine réduction du «panier» de services publics en santé? Le tout, pendant qu’en plus, une part substantielle de Québécois, sans fonds de pension collectif ou privé, vogue vers une retraite avec des revenus qui s’annoncent dangereusement limités.
Au Québec, derrière combien de portes se cachent aussi des «proches aidants» à bout de souffle et en attente souvent vaine d’un soutien concret des services sociaux?
Épuisés, ils regardent l’état leur préférer des ressources intermédiaires privées qu’il subventionne. Ou encore, ils voient des firmes privées qui, flairant la bonne affaire, s’installent discrètement pour «vendre» aux aidants quelques heures de répit. Cherchez l’erreur.
Est-ce là, ce qu’il reste de nous?