Le Journal de Quebec

Que reste-t-il de nous ?

- josée legault josee.legault@quebecorme­dia.com

Que reste-t-il de nous? Je ne parle pas ici du «nous» canadien-français, mais du «nous» qu’est la société québécoise. Que se dirait-il, ce «nous», s’il se regardait sans complaisan­ce dans un miroir? Serait-il fier de la manière dont il prend soin du bien-être de ses propres citoyens?

Dans les derniers jours seulement, un ministre déposait fièrement un projet de loi punitif sur l’aide sociale. Un autre se réjouissai­t d’avoir fait adopter le sien qui, entre autres choses, «normalise» les «frais accessoire­s» payés par les patients aux médecins dont la rémunérati­on a pourtant bénéficié d’un rattrapage spectacula­ire.

Que se passe-t-il au Québec pour que l’obsession du déficit zéro, austérité ou rigueur budgétaire – appelez la chose comme vous voulez – gruge depuis vingt ans déjà notre préoccupat­ion collective pour une société plus juste?

Qu’est-il arrivé pour que le concept éminemment «libéral» d’égalité des chances passe aujourd’hui sur plusieurs tribunes pour une caricature socialiste?

Comment en sommes-nous arrivés à réduire des experts renommés à signer un appel public à l’aide implorant Ottawa de «défendre le caractère public du système de santé au Québec»?

Où allons-nous quand un projet de loi menace d’appauvrir les plus pauvres pendant que l’exchanceli­ère de l’université Mcgill encaisse une pension annuelle de 371 000 $? Un exemple parmi d’autres d’une caste qui, au Québec, abuse des fonds publics en toute légalité.

L’austérité est une faucheuse à géométrie très variable.

Derrière combien de portes se cachent des « proches aidants » à bout de souffle ?

POUR L’AVENIR

Ces questions se posent. Non pas par nostalgie de la Révolution tranquille, mais par souci pour l’avenir. Souverain ou non, quel Québec sommes-nous en voie de nous façonner pour les prochaines décennies?

Voulons-nous vraiment d’une société qui se désolidari­se peu à peu alors qu’en Occident, y compris à Ottawa et Calgary, de plus en plus de gouverneme­nts tournent le dos à l’austérité?

Au Québec, derrière un système de santé «universel et gratuit», on trouve pourtant déjà plus de 30 % de dépenses de nature privée. À regarder aller nos gouverneme­nts, elles le seront sûrement de plus en plus.

ATTENDRE…

Le Commissair­e à la santé – lequel relève du même ministère –, mène un sondage à l’avenant où il demande aux répondants pour quels soins l’état devrait payer à l’avenir.

En substituan­t l’opinion à la science, ce sondage est-il un premier pas vers une prochaine réduction du «panier» de services publics en santé? Le tout, pendant qu’en plus, une part substantie­lle de Québécois, sans fonds de pension collectif ou privé, vogue vers une retraite avec des revenus qui s’annoncent dangereuse­ment limités.

Au Québec, derrière combien de portes se cachent aussi des «proches aidants» à bout de souffle et en attente souvent vaine d’un soutien concret des services sociaux?

Épuisés, ils regardent l’état leur préférer des ressources intermédia­ires privées qu’il subvention­ne. Ou encore, ils voient des firmes privées qui, flairant la bonne affaire, s’installent discrèteme­nt pour «vendre» aux aidants quelques heures de répit. Cherchez l’erreur.

Est-ce là, ce qu’il reste de nous?

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Gaétan Barrette
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