Un intrus dans la famille
Le père de Laurent Dubreuil, Robert, lutte contre le cancer de prostate
Deuxième sprinteur le plus rapide du monde, Laurent Dubreuil patine dans un sport où tout doit aller vite. Mais un cancer découvert chez son père nous rappelle qu’il n’exerce pas un contrôle absolu sur la vitesse.
Un diagnostic est venu bousculer sa famille le 29 novembre 2013. Robert Dubreuil, connu comme directeur général de la Fédération de patinage de vitesse du Québec depuis 19 ans, a quitté l’hôtel-Dieu de Lévis ce jour-là avec une annonce qu’il ne voulait pas entendre: cancer de la prostate. Il avait 46 ans.
«JE NE FAIS PAS PITIÉ»
Chez les Dubreuil, la vie a toujours tourné autour du patin. Robert a terminé 14e au 500 m des Jeux olympiques d’albertville en 1992. La mère, Ariane Loignon, avait participé aux cinq épreuves de longue piste aux Jeux de Calgary. Les deux autres enfants du couple, Daniel et Anna-belle, s’y investissent aussi à un haut niveau national.
Depuis novembre 2013, un intrus s’est toutefois invité dans la famille. La maladie évolue lentement, mais elle occupe en silence un coin de l’esprit de chacun des cinq membres du clan Dubreuil. «On ne fait pas pitié et il ne faut pas tourner ça dramatique. Oui, on vit quelque chose en famille, mais il y a pire que ça. Je ne veux pas donner l’impression que je fais pitié parce que je ne fais pas pitié», insiste Robert avant d’accepter de s’ouvrir publiquement sur son cas.
EN SURVEILLANCE ACTIVE
L’évolution de son cancer occupe présentement le deuxième stade sur une échelle de cinq. Dans la classification de Gleason, qui sert à définir le niveau d’agressivité du cancer de la prostate et ses risques de se propager, la «note» de 6 que lui attribuent les médecins le place aux abords du 7, jugée plus sérieuse.
Pour l’instant, le seul traitement prescrit s’appelle la «surveillance active» qui l’a obligé à se soumettre à trois biopsies, un exercice synonyme de «mauvaise journée à passer», décrit-il.
La lente progression de son mal maudit a ceci de consolant, c’est qu’elle lui accorde du temps pour penser. Il dit cheminer dans sa réflexion pouvant mener à l’ablation et qui éliminerait ainsi tout recours à la chimiothérapie, radiothérapie et autres avenues chimiques.
Il y trouve aussi un rapport de meilleure qualité qu’il a appris à développer, tantôt dans son travail de chef d’orchestre à la fédération, tantôt dans son emploi du temps personnel et de la recherche d’une meilleure santé pour mieux le préparer à ce qui s’en vient.
«On dirait que mes enfants sont maintenant plus sensibles à ce que je fais. Je pense que ça les a rendus plus conscients de la valeur de la santé, qu’il faut plus l’apprécier. Cette composante de la vie devient soudainement moins gratuite et on réalise qu’elle ne tombe pas du ciel automatiquement», donne-t-il à entendre.
«L’autre jour, je l’ai conduit à l’hôpital et j’ai attendu trois heures pour un rendez-vous qui a duré beaucoup plus longtemps que ce qui était prévu. Mais on ferait n’importe quoi pour nos parents. Avec le soutien familial, je demeure convaincu que ça va l’aider à passer à travers ce qu’il vit», croit son fils aîné, Laurent.
L’HÉRITAGE DE SA MÈRE
Désormais, chaque fois que les circonstances le permettent, Robert et Ariane courent les événements dans lesquels sont impliqués leurs trois enfants. Ils sont à Calgary en fin de semaine pour la première Coupe du monde de Laurent. Ils étaient à Erfurt en Allemagne, en mars dernier, quand il a confirmé sa deuxième place au cumulatif du 500 m de la saison.
La maladie a déclenché chez le père quelque chose qu’il ne veut pas appeler une «urgence» à ne plus rien manquer, mais plutôt une «attention plus forte».
«J’avais déjà commencé à changer làdessus lorsque j’ai perdu ma mère soudainement en mars 2012. Ma mère était omniprésente dans notre famille. Ce fut un gros choc parce que j’avais une belle relation avec elle et j’ai appris à mieux relativiser parce qu’elle était comme ça, elle aussi. Je suis convaincu que ça m’a rendu plus fort aujourd’hui…»