Le Journal de Quebec

Les réfugiés de l’hiver

Pour honorer sa promesse électorale d’accueillir 25 000 réfugiés d’ici un mois et demi, le premier ministre du Canada plonge le pays dans la précipitat­ion. La solidarité humaine ne peut être un vain mot. Mais on est obligé de constater qu’on ne peut soule

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Ce ne sont pas des marchandis­es qu’on fait entrer sur notre territoire, mais des êtres humains, ayant une histoire et une mémoire. Journalist­e, écrivaine et auteure cdenise. bombardier @quebecorme­dia.com

Ce ne sont pas des marchandis­es qu’on fait entrer sur notre territoire, mais des êtres humains, ayant une histoire et une mémoire. Des gens traumatisé­s, épuisés, malades. La majorité est composée de Syriens de religion musulmane ne parlant que l’arabe. Certaines de leurs valeurs culturelle­s s’opposent à celles des Canadiens. Leur notion de la démocratie, des relations hommes femmes, de la famille diverge souvent de la nôtre. Ils ont vécu sous une dictature depuis des génération­s. Le président Assad qui a succédé à son père a donné la mesure de sa façon de gouverner utilisant la terreur, la torture, en muselant toute opposition et en bombardant son peuple. Ainsi, il a jeté dans les bras des djihadiste­s une partie de ses concitoyen­s. On peut dire que le diable a enfanté plus diable que lui et que la Syrie n’est plus que l’ombre d’elle-même.

PAS D’IMPROVISAT­ION

Ceux que l’on accueiller­a ont subi cet enfer. C’est pourquoi aucun pays d’accueil ne peut pratiquer l’urgence et l’im- provisatio­n. «On est un peu dans le brouillard», a avoué jeudi la ministre de l’immigratio­n du Québec Kathleen Weil, qui ignore à ce jour le contenu de l’entente entre Ottawa et Québec sur le financemen­t d’une telle opération. En effet, à l’heure de l’austérité québécoise qui engagera les budgets nécessaire­s pour loger, nourrir, franciser et éduquer ces milliers de Syriens qui vont débarquer dans un hiver nordique dont ils ignorent la rigueur.

Les écoles sont-elles prêtes à accueillir les enfants dont un grand nombre n’a jamais été scolarisé à cause de la guerre civile? Des enfants qui auront besoin d’être pris en charge psychologi­quement et qui subiront une immersion en français avant de pouvoir s’intégrer à nos classes.

Où logera-t-on ces réfugiés? On parle de bases militaires comme celle de Valcartier déjà utilisée en 1999 lorsque quelques dizaines de milliers de Kosovars sont arrivés au Canada. Peuton envisager d’accorder priorité aux réfugiés dans des logements sociaux en changeant les règles qui exigent un séjour de 12 mois au Québec avant qu’on y ait accès? Imagine-t-on alors l’impact social d’une telle mesure auprès des démunis en liste d’attente d’un appartemen­t depuis des mois?

Non seulement cet accueil ne peut se faire en criant ciseau, mais l’on n’agit pas dans la légèreté et dans le vague lorsqu’on demande aux citoyens d’ouvrir leur pays et leur coeur à des victimes à jamais déracinées du pays où elles sont nées.

Il y a un prix à payer pour la générosité et c’est en espèces sonnantes et une distance à prendre face à ce défi. Chaque Canadien doit savoir que non seulement sa contributi­on fait la différence, mais que l’avenir sans issue de pays du Moyen-orient et de l’afrique nous place aussi dans un dilemme déchirant qui se résume par une question. Pourra-t-on à moyen terme ouvrir l’occident à tous les réfugiés de la planète en appliquant la démocratie émotionnel­le?

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