Le Journal de Quebec

Du purin sur un champ de roses

- LISE RAVARY e Blogueuse au Journal Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se clise. ravary@quebecorme­dia.com L@ liseravary

«Charlie était un symbole. Là, c’est une guerre.» Nul doute que ce tweet du philosophe français Bernard-henry Lévy doit s’approcher de l’état d’esprit qui habite les Français en ce moment.

La France, à nouveau frappée par des terroriste­s qui se réclament de l’état islamique, est sous le choc. Elle attend un diagnostic de trouble national de stress post-traumatiqu­e.

Au moment d’écrire ces lignes, tout ce que nous savons, c’est ce que nous voyons sur nos écrans. Mais le discours musclé du président Hollande — qui sait trouver les bons mots et le bon ton en temps de crise — ne laissait aucun doute: moins d’un an après la tuerie de Charlie Hebdo et de l’hyper Cacher, les forces de l’obscuranti­sme religieux et de la haine avaient frappé Paris à nouveau.

UN PIC DE VIOLENCE

L’histoire du 20e siècle nous enseigne que la patrie des droits de l’homme a fait face à de nombreux outrages meurtriers aux mains de fanatiques, dans une escalade de violence qui culmine aujourd’hui par des attaques à l’aveugle sur des passants, des Parisiens au restaurant ou qui assistent à un concert heavy métal. Nous nageons en plein nihilisme.

C’est la terreur à l’état pur. Anonyme, froide, incompréhe­nsible pour les victimes. Mais tellement rationnell­e pour ceux qui la répandent, comme du purin sur un champ de roses.

Jeudi, avant les attentats, un sondage de l’observatoi­re national de la délinquanc­e révélait que la peur du terrorisme est la deuxième cause d’angoisse en France, après le chômage.

Pour l’instant, c’est le terrorisme qui gagne. La première victime, c’est le lien de confiance qui existe entre les Français et les Français musulmans.

«La game a changé», dirait Réjean Tremblay. Nous savons ce qui s’est passé hier, mais que se passera-t-il demain? Doit-on craindre d’autres attentats? Le président Hollande a décrété l’état d’urgence, l’équivalent de notre loi des mesures de guerre, ce qui implique la suspension de certaines libertés fondamenta­les. Il a fermé les frontières. L’heure est gravissime.

Les forces de sécurité sont omniprésen­tes, mais tous savent au fond que rien ni personne ne peut empêcher un fou armé d’un AK47 qui ne craint pas de mourir d’ouvrir le feu dans la foule, en hurlant Allahu akbar. À moins d’emprisonne­r tous les musulmans de France. Ce qui serait non seulement impossible, mais incroyable­ment injuste.

UN JUGE L’AVAIT PRÉDIT

Selon l’ex-juge de la section antiterror­isme de Paris, Marc Trévidic, en entrevue à Paris Match en octobre dernier, la France n’a jamais été autant menacée par les terroriste­s. Les Français, disait-il, devront s’habituer à la réalité des attentats, ajoutant «Paris est devenu l’ennemi no 1 pour l’état islamique, indubitabl­ement l’ennemi absolu». Il prévoyait même un attentat aussi grave que celui du 11 septembre en sol français.

Les bien-pensants blâmeront la misère dans les banlieues parisienne­s, injuriant au passage la dignité des miséreux et des exclus de la terre. D’autres, incapables de regarder la réalité en face, blâmeront la France pour son implicatio­n en Syrie.

BHL a raison: c’est la guerre. Malheureus­ement, les guerres ne se gagnent que par la guerre. L’état islamique doit être mis hors d’état de nuire sur son territoire. Et le Canada doit participer à cet effort, car hier, demain, un jour, ça sera notre tour.

Pour l’instant, c’est le terrorisme qui gagne. La première victime, c’est le lien de confiance qui existe entre les Français et les Français musulmans

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada