L’obligation constitutionnelle
François Legault s’est finalement senti obligé d’avoir une position constitutionnelle défendable. Puisqu’il a tourné le dos à la souveraineté, il aurait pu embrasser le statu quo comme Philippe Couillard et laisser Pierre Karl Péladeau prôner un changement politique radical.
Le caractère décisif qu’auront les élections de 2018 semble avoir incité le chef de la CAQ à sortir du grand nulle part constitutionnel où il était campé depuis des années.
Avait-il besoin d’agir ainsi? De lancer un appel à «l’unité des nationalistes» qui ne veulent pas d’un pays, à ceux qui rêvent d’un Québec fort dans un Canada uni?
On verra quel sort les Québécois réserveront à la CAQ ainsi renouvelée. M. Legault ne pouvait rester impassible devant l’actuel déplacement des plaques tectoniques de la politique québécoise. À moins d’un revirement, l’élection de 2018 sera référendaire.
M. Legault fait donc le pari que les Québécois, «tannés de choisir entre le statu quo et le pays imaginaire», opteront pour une voie mitoyenne.
REVENDICATIONS
Les revendications de la CAQ ne sont toutefois pas révolutionnaires. On y trouve surtout des ententes administratives ou d’ordre constitutionnel ne nécessitant pas l’accord des autres provinces. Mais la reconnaissance du Québec comme nation, l’encadrement du pouvoir fédéral de dépenser et les amendements visant les ressources naturelles obligent l’accord de sept provinces représentant 50 % de la population. Il faut faire voeu d’optimisme...
La Coalition avenir Québec reprend à son compte quelques aspects des demandes traditionnelles du Québec: plus de pouvoirs en matière de langue, de culture, d’immigration et de fiscalité, etc.
PÉRÉQUATION
M. Legault dit vouloir en finir avec la péréquation, cette formule de partage de la richesse qui fait que le Québec recevra cette année près de dix milliards $ du gouvernement fédéral. En sus des autres transferts fédéraux. Globalement, les demandes de la CAQ garniraient les coffres du Québec de quinze milliards. C’est équivalent au déficit annuel d’ottawa au Québec, selon l’institut de la statistique du Québec.
On reprochera sans doute à François Legault d’être naïf ou de mauvaise foi. Car pourquoi le Canada répondrait-il avec plus d’ouverture à un éventuel gouvernement caquiste qu’à n’importe quel autre? Avec un Trudeau devant lui, M. Legault croit-il lui-même à ce qu’il propose?
ADRESSE AUX MOUS
Le document présenté aux militants de la CAQ il y a quelques jours se veut un «nouveau projet pour les nationalistes du Québec». Il s’adresse évidemment aux mous, qu’ils soient nationalistes ou fédéralistes.
Les véritables nationalistes voudront toujours faire du Québec un pays, avec le PQ ou avec Québec solidaire. Les fédéralistes purs et durs continueront d’apprécier le Canada tel qu’il est, peu importe si le Québec n’a pas signé la Constitution. Peu importe que les Québécois soient déjà indistinctement minoritaires. D’ailleurs, dans le Canada de Justin Trudeau, le Québec ne s’apparente-t-il pas déjà au Nouveau-brunswick; il n’y a que le nombre de francophones qui diffère…
Le défi de François Legault ne sera pas de convaincre les mous ni de faire la preuve de l’originalité de sa position constitutionnelle. Il devra faire en sorte que Philippe Couillard et PKP ne mobilisent pas toute l’attention. La CAQ ne survivrait pas à un autre «black-out»...