Le Journal de Quebec

Sortir de notre tanière

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Avouez: il n’y a pas une plus belle saison que le printemps au Québec.

Vous vous rappelez, dans Mommy, Xavier Dolan, quand l’écran s’élargit soudaineme­nt? Quand on passe d’un format carré (qui asphyxiait le personnage, qui l’enfermait, qui étouffait ses émotions) à un format quasi panoramiqu­e?

C’est ce qui se passe dans nos coeurs et dans nos têtes quand les premiers glaçons se mettent à fondre sur le bord des fenêtres. On se déploie. On s’ouvre. Comme un vieux papier chiffonné qu’on déplie, une rose fanée qui, par miracle, étale ses pétales.

Il n’y a pas une plus belle saison que le printemps au Québec.

LES MAINS DANS LES POCHES

Il fait encore frais qu’on se rue en masse dans les parcs pour narguer l’hiver et lui dire d’aller se faire foutre.

Tu as occupé le Québec pendant cinq mois? Eh bien, c’est la libération, maintenant. Déguerpis!

Prends tes collabos de la tuque avec toi et fous le camp, retourne d’où tu viens. Les résistants des souliers, des manteaux entrouvert­s et de la tête nue ont eu raison de toi.

Bientôt, dans une semaine exactement, les motos vont pétarader dans les rues de la Belle Province, comme pour applaudir ton départ.

Bon débarras, toi et ta noirceur dès 16 h.

On va pouvoir flâner dans les rues.

Pas courir la tête baissée entre deux destinatio­ns, en serrant les dents, non, mais flâner, marcher les mains dans les poches sans savoir où aller, en souriant bêtement aux passants.

«On a réussi, on est passés à travers…»

On a presque le goût de donner des accolades aux étrangers tellement on est heureux d’avoir survécu à un autre hiver.

On sort de notre tanière et on s’étire langoureus­ement en regardant le soleil.

Quels restaurate­urs seront assez fous et assez téméraires pour, les premiers, sortir leurs chaises et leurs tables sur le trottoir?

VIVRE DEHORS

Pas étonnant que les fous d’allah aient attaqué des gens qui buvaient tranquille­ment à une terrasse, en novembre dernier, à Paris.

Comme le disait l’auteur américain Saul Bellow, «peu de choses sont plus agréables et plus civilisées qu’une terrasse tranquille au crépuscule». Sur les terrasses, les hommes et les femmes s’entremêlen­t, se regardent et se frôlent, les différence­s cohabitent et les cultures les plus diverses trinquent dans la plus parfaite insoucianc­e.

Quoi qu’en disent les maniaques de sport d’hiver, l’homme est fait pour manger — et pour vivre — dehors.

L’hiver, le temps s’arrête et la vie se fige. Au printemps, les minutes recommence­nt à s’écouler comme la neige qui ruisselle au bord des routes.

SEÑOR MÉTÉO

Vous dites que je suis vite en affaires, à célébrer la mort de l’hiver un 7 mars?

Non. Les spécialist­es (qui ne se trompent jamais lorsqu’il est question de météo, tout le monde le sait…) le disent: grâce à El Niño, le printemps sera hâtif cette année.

Dès cette semaine, le mercure se pointera le bout du nez de l’autre côté du zéro, pour ne plus redescendr­e.

On va commencer à planifier les vacances estivales et à réserver nos places pour le Festival d’été et le Festival de jazz.

Au printemps, les femmes montrent leurs jambes, les hommes font le paon et la vie a un goût de sirop d’érable.

Enfin!

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada