Le Journal de Quebec

Les arômes subtils

Justin Trudeau veut légaliser le cannabis. À mon humble avis, il a raison.

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Sur le fond, la cause me semble entendue. Elle repose sur quatre principaux arguments.

Premièreme­nt, tout produit interdit pour lequel il y a une forte demande provoque inévitable­ment la création d’un marché noir contrôlé par le crime organisé.

Deuxièmeme­nt, si les effets à long terme du cannabis sur la santé ne sont pas tous connus, surtout chez les adolescent­s, il semble clair qu’ils ne sont pas pires que ceux de l’alcool et du tabac.

Troisièmem­ent, la légalisati­on permettrai­t de mieux l’encadrer, facilitera­it la recherche et l’éducation, et porterait un coup aux organisati­ons criminelle­s. Évidemment, celles-ci trouveraie­nt rapidement autre chose.

Quatrièmem­ent, l’approche traditionn­elle a échoué sur toute la ligne. Les traditiona­listes proposent quoi? Plus de répression? Voyons la réalité en face.

Si Justin Trudeau va de l’avant relativeme­nt vite, le Canada deviendrai­t le plus important pays à avoir choisi cette voie

QUESTIONS

La légalisati­on est cependant plus complexe qu’on le croit généraleme­nt.

Un récent dossier de la revue The Economist (13 février) dresse la liste de toutes les questions délicates à résoudre.

La production et la distributi­on devraient-elles être un monopole d’état ou être confiées à un secteur privé encadré par l’état?

Si l’on confie cela au secteur privé, limiterait-on la taille maximale des entreprise­s ou permettrai­t-on, éventuelle­ment, que se constituen­t des empires, comme le brasseur Heineken ou le fabricant de cigarettes Imperial Tobacco?

Faudrait-il taxer le produit à des hauteurs délibéréme­nt conçues pour décourager la consommati­on, comme le tabac, avec le risque de recréer un marché illicite, ou l’imposer comme l’alcool afin d’en faire aussi une source appréciabl­e de revenus fiscaux?

La question est absolument cruciale, car le niveau de taxation, loin de n’être qu’une question technique, est le levier étatique le plus fondamenta­l pour orienter les comporteme­nts.

C’est aussi le principal signal de ce que sera la philosophi­e générale des autorités.

Quelle serait la puissance maximale des concentrés légalisés? Là encore, trop basse et certains iront se chercher un plus gros «high» clandestin, trop haute et vous soulevez de sérieux enjeux de santé publique.

Comme l’imaginatio­n ne connaît pas de limites quand il y a de l’argent à faire, comment encadrer la multitude de produits dérivés qui contiendra­ient du cannabis? Imaginez ça: biscuits, tartes, boissons et que sais-je encore.

Quels ajustement­s légaux cela devrait-il entraîner sur la réglementa­tion de la conduite automobile avec facultés affaiblies?

Quelles conséquenc­es sur la productivi­té et l’assiduité au travail, et, forcément, sur les lois délimitant les droits et les responsabi­lités des employés et des employeurs?

Devrait-on laisser les producteur­s faire la publicité de leurs produits? Il semble raisonnabl­e de penser qu’il faudrait s’aligner sur les balises imposées, chez nous, aux produits du tabac et aux boissons alcoolisée­s.

RÉUSSIR

Le cannabis récréatif est présenteme­nt légal dans quatre États américains et dans un tout petit pays, l’uruguay, sans grande influence internatio­nale.

Si Justin Trudeau va de l’avant relativeme­nt vite, le Canada deviendrai­t le plus important pays à avoir choisi cette voie.

Son exemple serait examiné de près dans le monde entier et il aurait un retentisse­ment considérab­le. Raison de plus pour s’assurer de bien faire les choses.

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