Les arômes subtils
Justin Trudeau veut légaliser le cannabis. À mon humble avis, il a raison.
Sur le fond, la cause me semble entendue. Elle repose sur quatre principaux arguments.
Premièrement, tout produit interdit pour lequel il y a une forte demande provoque inévitablement la création d’un marché noir contrôlé par le crime organisé.
Deuxièmement, si les effets à long terme du cannabis sur la santé ne sont pas tous connus, surtout chez les adolescents, il semble clair qu’ils ne sont pas pires que ceux de l’alcool et du tabac.
Troisièmement, la légalisation permettrait de mieux l’encadrer, faciliterait la recherche et l’éducation, et porterait un coup aux organisations criminelles. Évidemment, celles-ci trouveraient rapidement autre chose.
Quatrièmement, l’approche traditionnelle a échoué sur toute la ligne. Les traditionalistes proposent quoi? Plus de répression? Voyons la réalité en face.
Si Justin Trudeau va de l’avant relativement vite, le Canada deviendrait le plus important pays à avoir choisi cette voie
QUESTIONS
La légalisation est cependant plus complexe qu’on le croit généralement.
Un récent dossier de la revue The Economist (13 février) dresse la liste de toutes les questions délicates à résoudre.
La production et la distribution devraient-elles être un monopole d’état ou être confiées à un secteur privé encadré par l’état?
Si l’on confie cela au secteur privé, limiterait-on la taille maximale des entreprises ou permettrait-on, éventuellement, que se constituent des empires, comme le brasseur Heineken ou le fabricant de cigarettes Imperial Tobacco?
Faudrait-il taxer le produit à des hauteurs délibérément conçues pour décourager la consommation, comme le tabac, avec le risque de recréer un marché illicite, ou l’imposer comme l’alcool afin d’en faire aussi une source appréciable de revenus fiscaux?
La question est absolument cruciale, car le niveau de taxation, loin de n’être qu’une question technique, est le levier étatique le plus fondamental pour orienter les comportements.
C’est aussi le principal signal de ce que sera la philosophie générale des autorités.
Quelle serait la puissance maximale des concentrés légalisés? Là encore, trop basse et certains iront se chercher un plus gros «high» clandestin, trop haute et vous soulevez de sérieux enjeux de santé publique.
Comme l’imagination ne connaît pas de limites quand il y a de l’argent à faire, comment encadrer la multitude de produits dérivés qui contiendraient du cannabis? Imaginez ça: biscuits, tartes, boissons et que sais-je encore.
Quels ajustements légaux cela devrait-il entraîner sur la réglementation de la conduite automobile avec facultés affaiblies?
Quelles conséquences sur la productivité et l’assiduité au travail, et, forcément, sur les lois délimitant les droits et les responsabilités des employés et des employeurs?
Devrait-on laisser les producteurs faire la publicité de leurs produits? Il semble raisonnable de penser qu’il faudrait s’aligner sur les balises imposées, chez nous, aux produits du tabac et aux boissons alcoolisées.
RÉUSSIR
Le cannabis récréatif est présentement légal dans quatre États américains et dans un tout petit pays, l’uruguay, sans grande influence internationale.
Si Justin Trudeau va de l’avant relativement vite, le Canada deviendrait le plus important pays à avoir choisi cette voie.
Son exemple serait examiné de près dans le monde entier et il aurait un retentissement considérable. Raison de plus pour s’assurer de bien faire les choses.