Le Journal de Quebec

Parce qu’on est en 2016

- josee.legault@quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Il y a de ces débats qui, tombés de nulle part, révèlent ce qu’il y a de meilleur et de pire dans une société. L’«affaire» Jutra en fut un. Les propos navrants de la ministre Lise Thériault en sont un autre.

La semaine dernière, la ministre de la Condition féminine a refusé de se dire féministe. Réduisant le féminisme à une «étiquette», Mme Thériault l’associait même à un «combat» contre les hommes. Avec son fameux «Let’s go, vas-y!», elle préférait miser sur l’«individu».

La ministre de la Justice abondait dans le même sens égaré. De Vancouver, Philippe Couillard lançait quant à lui que «ce n’est pas un débat utile, pour moi».

Confirmant le tout, la ministre Thériault brillait par son absence au Sommet des femmes.

Sur une question pourtant fondamenta­le, le message du gouverneme­nt est dévastateu­r. Il présente aux Québécois une image caricatura­le et inculte du féminisme jusqu’à plaider l’inutilité même du débat.

On se croirait dans une machine à voyager vers un passé qu’on disait révolu.

Aujourd’hui étant la Journée internatio­nale de la femme, cet épisode troublant prend tout son sens.

DÉFOULOIR PUBLIC

Il n’en fallait pas plus pour ouvrir le grand défouloir public. À l’instar des ministres, quelques femmes de carrière ont fièrement brandi leur précieux «individual­isme». Tous médias confondus, les remarques misogynes ont pullulé dans les sections commentair­es. Comme dans une taverne!

Du côté plus inspirant, des analyses sérieuses ont démythifié l’image trompeuse du féminisme relancée sur la place publique. Des femmes et des hommes, de tous âges, se sont dits fiers d’être féministes. Leur constat: malgré les progrès accomplis, l’égalité n’est toujours pas atteinte.

Le Globe and Mail rapportait d’ailleurs qu’au Canada, à compétence­s et tâches équivalent­es, une femme ne reçoit en moyenne que 73 % du salaire d’un homme. Le plafond de verre de l’égalité économique est loin d’être fracassé.

Les autres «dossiers» à travailler ne manquent pas non plus. Conciliati­on travail-famille. Services de garde. Parité en politique. Aidantes naturelles à bout de souffle. Un système de justice souvent dysfonctio­nnel dans les cas d’agressions sexuelles. Banalisati­on de la pauvreté. Religions répressive­s. Etc.

Comme si l’austérité ne frappait pas assez dur, le gouverneme­nt en rajoute avec son message rétrograde sur le féminisme.

On est tristement loin d’un Jacques Parizeau qui, en 1995, se joignait à la marche féministe «Du pain et des roses» et posait des gestes concrets pour favoriser une plus grande égalité entre les sexes.

Et que dire de ces sages paroles déjà oubliées: «Une société où l’accent serait mis exclusivem­ent sur l’exaltation des valeurs individuel­les deviendrai­t vite une société égoïste.» Elles ne sont pas d’une «féministe enragée de gauche», pour reprendre un autre cliché ressorti du placard.

Elles sont de feu Claude Ryan, ex-chef du PLQ, dans son livre de 2002 intitulé Les valeurs libérales et le Québec moderne. À relire d’urgence! Même si on est déjà en 2016…

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La semaine dernière, la ministre de la Condition féminine a refusé de se dire féministe
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