Le Journal de Quebec

Le féminisme est-il une religion ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

D’une journée à l’autre, on se dit que la petite inquisitio­n pour savoir qui est féministe et qui ne l’est pas va s’éteindre. Va-t-on vraiment passer un test idéologiqu­e à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, évoluent dans l’espace public pour fouiller le fond de leur âme? Il y a quelque chose de maccarthys­te dans ce délire.

Mais le passage à Tout le monde en parle de Geneviève St-germain et Sophie Durocher a relancé la controvers­e, et pas seulement à cause de la condescend­ance malsaine et détestable de la première à l’endroit de la seconde. Nous avons surtout assisté, sur ce plateau, à un beau petit moment de la vie consensuel­le québécoise dans ce qu’elle a de plus toxique.

UNANIMISME

Après un débat aussi vigoureux, on aurait pu s’attendre à une conclusion simple: manifestem­ent, tout le monde ne communie pas à la révélation féministe.

Certaines personnes s’en réclament, d’autres s’en tiennent éloignées, comme c’est le cas pour chaque idéologie en démocratie. Mais apparemmen­t, le féminisme est au-delà de la discussion rationnell­e.

Mais le Québec est ce qu’il est: à la fin d’une émission, tout le monde doit s’entendre et s’embrasser. Notre fâcheuse manie du consensus nous pousse à dire youpi ensemble, comme si la querelle devait se dissoudre dans un grand éclat de rire. Débattre? Assumer un désaccord franc sans pour autant se détester? C’est manifestem­ent difficile.

Il y a de l’intoléranc­e dans l’air. Celui qui s’éloigne du féminisme manque apparemmen­t de culture générale en plus d’être étranger au sens de l’histoire. Le féminisme n’est plus une doctrine légitime: c’est une exigence morale permettant de trier entre les humains honorables et ceux qui ne le sont pas. Comme si elle avait le monopole de l’émancipati­on féminine.

On s’en souvient, à la fin de ce débat, Dany Turcotte, qui généraleme­nt ne manque ni d’esprit ni de subtilité, s’est permis une boutade un peu grossière. «Depuis la préhistoir­e que l’homme est aux commandes et c’est une catastroph­e. Au diable la parité mesdames, cessez de vous chicaner mesdames et prenez le contrôle.»

1956

Évidemment, c’était seulement une blague. Mais elle correspond à un préjugé partagé dans le Québec contempora­in: on peut dire tout le mal qu’on veut des hommes, les inviter à se taire et à faire ce qu’on leur dit, personne n’y trouvera rien à redire. De quelle autre catégorie de la population peut-on parler ainsi? Si la misogynie existe, la misandrie existe aussi.

Je me suis amusé, au terme de cette semaine inquisitor­iale, à imaginer un petit scénario dans le Québec de 1956, où un ministre aurait déclaré à la surprise de tous qu’il ne se disait pas catholique. Ouf! Il y aurait eu du tumulte, il y aurait eu une tempête. On l’aurait excommunié politiquem­ent! Tous les curés de la province l’auraient accusé d’un crime idéologiqu­e sans nom.

Puis, je me suis demandé quelle idéologie, soixante ans plus tard, pouvait susciter les mêmes réactions. Vous devinez laquelle. Aurions-nous remplacé une religion par une autre?

Mais apparemmen­t, le féminisme est au-delà de la discussion rationnell­e

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