Le Journal de Quebec

Un expert plaide pour l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans

Il serait « irresponsa­ble » de ne pas aller de l’avant avec une telle mesure, croit Égide Royer

- Daphnée Dion-viens

La Coalition avenir Québec a ramené à l’avant-scène cette semaine l’idée de rendre l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans. Une propositio­n chère à Égide Royer, professeur en adaptation scolaire à l’université Laval, qui juge qu’il serait même «irresponsa­ble» de ne pas aller de l’avant. Pour faire le point, Le Journal s’est entretenu avec M. Royer, une sommité en éducation au Québec, qui mène une charge à fond de train contre le manque de vision du gouverneme­nt Couillard à ce chapitre.

Égide Royer le répète sur toutes les tribunes depuis au moins une dizaine d’années. Pour lutter contre le décrochage et permettre aux élèves de mieux réussir sur les bancs d’école, il faut se baser sur la recherche en éducation, intervenir tôt, mieux former les enseignant­s et rendre l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans. Cette mesure à elle seule ne règle pas tout, précise M. Royer. Mais elle aurait une «valeur de symbole» dans une province où il est possible de lâcher l’école à 16 ans alors qu’il faut être majeur pour acheter un billet de loterie ou un paquet de cigarettes.

«QUEL MESSAGE?»

«Quel message ça envoie? lance-t-il. Comme société, il faut exprimer des attentes élevées envers nos jeunes en matière d’éducation», ajoute celui qui est régulièrem­ent consulté par les partis politiques concernant ces enjeux. Il n’est toutefois pas question «d’attacher un jeune» sur les bancs d’école ou d’introduire des mesures contraigna­ntes, précise cet expert. Il faut plutôt établir que la norme est de rester à l’école jusqu’à 18 ans ou jusqu’à l’obtention d’un diplôme. Pour décrocher, un jeune devrait obtenir une dérogation auprès du ministre.

Par ailleurs, M. Royer ne croit pas, comme le soutient la Coalition avenir Québec, qu’il faut interdire aux employeurs d’embaucher des décrocheur­s de moins de 18 ans.

Selon les différente­s études qui existent sur le sujet, la fréquentat­ion de l’école jusqu’à la majorité permettrai­t de hausser de 1 % à 3 % le taux de diplomatio­n. Une telle mesure aurait le mérite d’envoyer un «signal fort» concernant l’importance à accorder à l’éducation dans notre société, plaide cet expert.

La fréquentat­ion de l’école jusqu’à 18 ans est obligatoir­e dans trois provinces canadienne­s – le Nouveau-brunswick, le Manitoba et l’ontario, où le taux de diplomatio­n est beaucoup plus élevé qu’au Québec – ainsi que dans une quinzaine d’états américains.

«ELLE M’A SCIÉ LES JAMBES»

Pour M. Royer, cette propositio­n va de soi «comme le soleil qui se lève à l’est», lance-t-il. C’est pourquoi il n’en revenait pas de voir, cette semaine, que cette idée a été rejetée d’emblée par le gouverneme­nt Couillard et le Parti québécois à l’assemblée nationale.

«C’est irresponsa­ble de ne pas affirmer comme société l’importance de l’éducation et de ne pas donner une attente élevée» en ce sens, affirme M. Royer.

Par ailleurs, le professeur a dû se «pincer» lorsqu’il a entendu le premier ministre Philippe Couillard déclarer que le coût d’une telle mesure serait de 250 millions $. «C’est comme si on avait affirmé que nous n’avons pas les moyens comme société de maintenir nos jeunes en apprentiss­age jusqu’à 18 ans. Celle-là, je ne pensais jamais l’entendre. Elle m’a scié les jambes.»

LE DÉCROCHAGE COÛTE CHER

D’autant plus que le décrochage coûte cher au gouverneme­nt, ajoute-t-il: 1,9 milliard $ par cohorte de décrocheur­s selon une évaluation réalisée par un groupe d’action sur la persévéran­ce scolaire, en 2009.

M. Royer dénonce au passage «l’importance démesurée» accordée par le gouverneme­nt Couillard au réseau de la santé «au niveau des décisions, des investisse­ments et de la rémunérati­on», comparativ­ement à celui de l’éducation.

«Au Québec, on est en train de maintenir l’image que c’est une immense clinique médicale qu’on est en train de développer, plutôt qu’un système éducatif du XXIE siècle», lance-t-il.

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«Comme société, il faut exprimer des attentes élevées envers nos jeunes en matière d’éducation», croit Égide Royer.

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