Une histoire dont on se souviendra longtemps
Après avoir écrit de nombreuses nouvelles, l’écrivain américain Bret Anthony Johnston signe ici son premier roman. Et on l’a tellement aimé qu’on l’a inscrit d’office dans notre liste de coups de coeur 2016.
Les Campbell ont longtemps mené une existence presque idyllique à Southport, petite ville côtière des environs de Corpus Christi. Même après une quinzaine d’années de mariage, les parents s’aimaient toujours profondément; et s’il pouvait arriver que leurs deux jeunes garçons se chamaillent ou se jouent des tours pendables, chaque moment passé en famille était généralement empreint de joie et de tendresse. Seulement voilà. Un beau jour, Justin s’évanouira littéralement dans la nature. Un nombre incalculable de volontaires et de policiers tenteront aussitôt de le retrouver mais les mois passant, Eric et Laura devront se rendre à l’évidence. À moins d’un miracle, jamais plus ils ne reverront leur fils de 11 ans.
«L’idée de ce livre m’est venue avec l’image de Laura prenant soin d’un dauphin malade, explique Bret Anthony Johnston, qu’on a joint à l’université Harvard, où il est professeur d’écriture créative. Je la voyais seule au milieu de la nuit dans un centre de biologie marine et peu à peu, je me suis demandé pourquoi une femme de son âge consacrerait autant de temps à un dauphin au lieu de rester parmi les siens. Je me suis aussi demandé pourquoi je la voyais apporter au centre un vieil alligator gonflable. J’ai fini par réaliser qu’il avait été gonflé par Justin et que l’air qu’il y avait soufflé était tout ce qu’il lui restait de son fils porté disparu.»
«Au départ, je n’avais donc pas du tout l’intention d’écrire une histoire de kidnapping, poursuit-il. Mais comme je ne savais pas ce qui allait arriver ensuite et que j’étais curieux de le découvrir, j’en ai entamé la rédaction…»
Une famille au bord de la crise
Lorsque Souviens-toi de moi comme ça commence, Justin a déjà disparu depuis quatre ans. Ce qui n’empêche pas son père de continuer à placarder partout des avis de recherche, le soleil ardent du Texas blanchissant n’importe quelle affiche en un temps record. Car aussi implacables soient-ils, ses rayons n’ont hélas jamais pu estomper les contours de la tragédie qui gangrène désormais les membres restants du clan Campbell.
Pour tenter d’atténuer leur chagrin, Eric, Laura et Griffin auront en effet recours à des remèdes très différents: Eric cherchera l’oubli entre les jambes d’une autre femme que la sienne, Laura plongera tête première dans le bénévolat en consacrant la plupart de ses nuits au dauphin malade qui a échoué sur la plage du parc national de Padre Island, tandis que Griffin, maintenant âgé de 14 ans, passera l’essentiel de ses temps libres à multiplier les figures de skate dans la piscine d’un vieux motel désaffecté.
Autant d’exutoires qui ne sauront cependant les préparer au retour de Justin, quand son kidnappeur sera enfin identifié et expédié en prison.
«Pour raconter leurs retrouvailles et cerner toutes les conséquences invisibles liées à l’enlèvement d’un enfant, j’ai fait énormément de recherches, précise Bret Anthony Johnston. Je n’ai volontairement pas voulu interviewer des familles affectées par un kidnapping, parce qu’elles avaient déjà assez souffert comme ça pour que j’en rajoute une couche avec mes questions! Par contre, j’ai une excellente mémoire et je me rappelle très bien l’amour inconditionnel que me portaient mes parents. Ça m’a aidé à entrer dans la peau d’eric et de Laura et à mieux comprendre pourquoi, une fois Justin revenu, leur euphorie ne pouvait pas durer.»
Du rapt au skate
Au cours des deux dernières décennies, de nombreux écrivains ont tissé leur intrigue autour de kidnappings d’enfants.
Sans avoir besoin de googler ou de sortir nos fiches de lecture, plusieurs titres nous viennent spontanément à l’esprit: Délivrance de Jussi Adler Olsen, Gone, Baby, Gone de Dennis Lehane, Le cantique des innocents de Donna Leon ou Quand reviendras-tu? de Mary Higgins Clark.
En revanche, très peu d’auteurs se sont penchés sur l’après. Souviens-toi de moi comme ça est même le premier livre du genre qu’on ait lu. Un livre incroyablement réaliste et touchant, qui décrit à merveille la douleur d’une famille peinant à retrouver ses marques, personne n’osant questionner Justin pour savoir s’il a subi des violences sexuelles ou savoir ce qui l’a empêché de fuir durant ses quatre années de détention.
«On entend de plus en plus souvent parler d’enfants qui ont été retenus captifs pendant de longues périodes, souligne Bret Anthony Johnston. Par contre, je ne sais pas si ça veut dire qu’il y a plus de ravisseurs d’enfants ou si ce sont les médias qui accordent plus d’attention à ce type d’histoires. Quoi qu’il en soit, je ne me suis inspiré de personne en particulier pour bâtir mon récit. J’y ai néanmoins glissé une petite part de moi: tout comme Justin et Griffin, j’adore le skateboard. J’en fais depuis 30 ans et je me suis entraîné dans plein de piscines vides avant d’être chassé par les policiers! Bref, c’est un univers qui m’est très familier.»
Juste avant de raccrocher, Bret Anthony Johnston a d’ailleurs ajouté qu’il allait sûrement consacrer une partie de son après-midi à faire du skate!