M'A LIBERE>>
«le décès de mon père
OSOYOOS, Colombie-britannique | Où étiez-vous le 8 mai 1982? Il y a 34 ans aujourd’hui, le Québec perdrait l’un de ses plus grands ambassadeurs sur la planète.
Le décès tragique de Gilles Villeneuve, survenu à la toute fin de la séance de qualifications du Grand Prix de Belgique, à Zolder, allait plonger tout un peuple dans le deuil.
Celui qu’on appelait affectueusement le Petit Prince faisait partie de ce groupe sélect de sportifs dont la notoriété avait dépassé les limites de leur spécialité.
Si cette date demeure à jamais gravée dans notre mémoire, qu’on soit passionné de courses automobiles ou pas, elle l’est beaucoup moins pour son fils Jacques qui, 15 ans plus tard, allait être couronné champion du monde de F1.
« C’EST VOUS QUI INSISTEZ... »
«Le 8 mai est une date de laquelle je ne me souviens jamais, a dit Villeneuve fils en entrevue au Journal. C’est vous, les journalistes, qui insistez chaque année pour m’en parler. Ou quand ma soeur Mélanie m’appelle pour me le souligner.
«Honnêtement, je ne suis pas atta- ché à cette journée, renchérit-il. Je n’ai jamais été attaché au passé.
«J’ai tourné la page et Gilles pensait de la même façon. Ce qui compte, c’est aujourd’hui et demain.
«Même lors du premier anniversaire de sa mort, ça ne m’a pas interpellé. C’est une date comme une autre…»
Villeneuve va encore plus loin. Il prétend que le décès de son père a eu des effets bénéfiques pour lui.
«La mort de mon père m’a libéré, poursuit-il. C’est triste à dire, mais c’est ça. Son décès m’a permis de devenir un homme et d’avoir la carrière que j’ai eue.
«Je suis loin d’être sûr que j’aurais réussi s’il avait été là à mes côtés lors de mes premiers tours de roue en compétition. Ç’aurait plutôt été impossible, insoutenable, voire écrasant.
«Je suis quelqu’un de très indépendant et ce n’est pas quelque chose qu’il aurait accepté.»
FIER D’ÊTRE SON FILS
Jacques prétend que son père devait supporter une pression énorme avant son embardée fatale.
«Il n’était plus là, dit-il. Mon père et moi n’étions pas proches, surtout vers la fin de sa vie. Avec lui, c’était devenu invivable à la maison.
«Je ne sais pas ce qui n’allait pas. Il faudrait le demander à ma mère.
«Pendant les deux dernières années de sa vie, je n’étais même pas à Monaco avec lui. J’habitais dans une autre famille en Suisse. Je suis allé étudier au collège et je faisais des compétitions en ski.»
PAS DE TROPHÉES
Trente-quatre ans plus tard, Villeneuve dit ne pas penser à Gilles, mais il est toutefois fier de ses exploits.
Si Jacques répète qu’il voue une admiration sans bornes à son père, il n’en garde que très peu de souvenirs matériels.
«Je n’ai pas de trophées de lui, ditil, comme je n’ai pas de mes trophées à la maison.
«D’accord, on a un modèle réduit de sa Ferrari qu’un ami m’avait donné à l’époque, mais c’est à peu près tout. J’ai tenu à le montrer à mes quatre fils.
«Gilles et moi avons eu deux vies séparées, enchaîne-t-il. Mais quand je le revois en vidéo, je trouve ça génial et j’ai souvent les larmes aux yeux.
«Ce duel avec Arnoux [au circuit de Dijon en 1979] me fascine encore aujourd’hui. D’autant plus que j’y étais.
«Oui, c’est beau tout ça, mais je ne pense pas à lui, c’est la réalité. Soyons clairs, je suis fier d’avoir été son fils et j’ai beaucoup d’admiration pour lui.
«Il était le héros de mon enfance, mais je suis passé à autre chose. Je le dis sans méchanceté.»