Le Journal de Quebec

Les profession­nels de l’intimidati­on

- richard martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Il y a quelque chose que je ne comprends pas chez certains humoristes…

Ils en ont contre la rectitude politique, les gens qui veulent leur dire quoi dire et quoi penser, la bien-pensance, etc.

Mais chaque fois qu’on ose critiquer un de leur gag, ou dire qu’on ne tripe pas sur leur genre d’humour, paf! ils nous tombent dessus dans les médias sociaux et nous vomissent sur la tête.

Euh… Vous êtes pour la liberté d’expression ou pas, les gars?

PAS LE MÊME COMBAT

Vous revendique­z le droit de prendre un petit handicapé sans défense et de fesser dessus devant des milliers de personnes pour vendre des billets et gagner votre vie? Pas de problème.

Mais j’ai le droit de dire que je trouve ça cheap, mesquin et brutal.

La liberté, à ce que je sache, est une autoroute à deux voies.

Pour moi, ce genre d’humour, c’est de l’intimidati­on, point final. Ce n’est pas parce que tu es debout sur une scène et sous des projecteur­s que ça devient de l’art. C’est comme le hockey. Si tu n’as pas le droit de fesser sur un gars à coups de bâton dans une ruelle ou dans un bar, je ne vois pas pourquoi tu aurais le droit de le faire sur une patinoire devant 3000 personnes.

Vous n’êtes peut-être pas d’accord avec mon point de vue, mais j’ai parfaiteme­nt le droit de l’exprimer.

Un lecteur m’a écrit il y a deux jours. «J’ai beaucoup voyagé et je peux vous dire que notre liberté d’expression se porte beaucoup mieux que celle de la plupart des pays que j’ai visités.

«Dans de nombreux pays, les gens se battent pour pouvoir critiquer le régime, prendre la défense des femmes et des homosexuel­s, etc.

«Chez nous, on se bat pour pouvoir traiter telle chanteuse de nounoune ou tel handicapé de laideron sans talent.

«On ne parle pas du tout des mêmes choses…»

Vous êtes pour la liberté d’expression ou pas, les gars ?

L’HUMOUR MATRAQUE

Oui, je sais, je suis vieux jeu, dépassé.

Mais que voulez-vous, les attaques personnell­es qui se cachent sous le couvert de l’humour («Un tel est un maudit crétin et sa femme est une grosse torche — c’est une joke!!!»), je trouve ça facile et petit.

Oui, c’est inquiétant de voir des assureurs jouer aux censeurs.

Et c’est vrai que la Commission des droits de la personne en mène beaucoup trop large. (Situation qui risque d’empirer avec l’horrible loi 59 que le gouverneme­nt Couillard veut faire adopter.)

Mais il y a une autre chose qui m’énerve: le manque de responsabi­lité de certains comiques ou commentate­urs, qui utilisent l’humour comme un gourdin. Et l’hypocrisie de ceux qui les défendent.

Vous pensez que Nathalie Petrowski trouverait ça drôle si on se moquait de son fils en public ou si on montrait des chiens en train de pisser sur le cadavre de son mari?

Bien sûr que non. L’humiliatio­n, c’est comme le malheur ou la maladie: en autant que ça frappe les autres, pas de problème…

DEUX MAUX

La censure est dégueulass­e. Mais l’intimidati­on, qui vise à humilier des individus plutôt qu’à combattre des idées, l’est tout autant.

C’est mon opinion. Et j’ai le droit de l’exprimer.

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