Le Journal de Quebec

Quand les Vénézuélie­ns se font justice eux-mêmes

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CARACAS | Les cris la hantent encore. Il y a quelques semaines, en sortant de son travail à la nuit tombée, cette Vénézuélie­nne a aperçu une foule qui frappait deux supposés voleurs. Aspergés d’essence, ils ont fini brûlés vifs.

Dans un des pays le plus violents du monde, la crise économique et politique qui secoue le Venezuela ne fait qu’exacerber les tensions sociales. Estimant que la police et l’état font défaut, de plus en plus de commerçant­s et de voisins n’hésitent plus à se faire justice euxmêmes.

«J’ai des frissons quand je me souviens des cris de douleur de ces jeunes gens», raconte à L’AFP Josefina, coiffeuse de 43 ans dans une rue commerçant­e de Los Ruices, un quartier de classe moyenne de la capitale Caracas.

Au milieu des passants qui allaient vers le métro, des habitants faisaient pleuvoir les coups de casques de moto, de pieds et de poings sur ces deux personnes accusées de vol. «Soudain, quelqu’un les a aspergés d’essence et les a brûlés vifs», ajoute-t-elle, toujours choquée par cette scène.

«Attrapez-le!»: à l’aide de cris ou du groupe «Los Ruices en action» de l’applicatio­n de messagerie Whatsapp, fort de 350 membres, les voisins donnent l’alerte face aux voleurs à la tire.

William Collins, une des figures du quartier, assure qu’il s’agit de repousser les malandrins et non pas de les tuer.

«Nous devons nous défendre, car il n’y a pas suffisamme­nt de surveillan­ce policière», explique à L’AFP cet avocat de 50 ans. «Les lynchages sont venus spontanéme­nt», ajoute-t-il.

MANQUE D’EFFECTIFS

De son côté, le directeur de la police municipale responsabl­e de cette zone, Manuel Furelos, explique qu’il ne dispose pas des effectifs suffisants, selon les normes internatio­nales.

«L’ONU recommande de déployer quatre policiers pour mille habitants. Comme dans la plupart des polices du pays, nous en avons la moitié», regrette-t-il.

À la mi-avril, la procureure générale Luisa Ortega a indiqué que ses services enquêtaien­t sur 26 cas où des personnes s’étaient fait justice elles-mêmes: 2 en 2015 et 24 au cours du premier trimestre de 2016, qui ont fait 20 morts et 17 blessés.

Deux semaines plus tard, les chiffres avaient explosé, alors que la situation dans le pays devient chaque jour un peu plus chaotique: coupures d’électricit­é quotidienn­es, services publics ouverts deux jours par semaine seulement, pillages de commerces, manifestat­ions, etc.

Le total pour l’année en cours est désormais de 74 dossiers, avec 37 morts et autant de blessés, selon Luisa Ortega.

En 2016, les médias vénézuélie­ns ont rapporté des lynchages contre de supposés criminels dans 20 des 24 États du pays.

– Par Valentina Oropeza, Agence France-presse

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Dans un des pays les plus violents au monde, les forces de l’ordre manquent d’effectifs pour contrer la criminalit­é.

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