Dans l’aile psychiatrique d’une PRISON
Deuxième volet d’une trilogie, et deuxième roman du travailleur social et écrivain David Goudreault, La Bête et sa cage raconte la vie quotidienne et les délires d’un tueur enfermé pour 16 ans dans l’aile psychiatrique d’un pénitencier. Un roman original, cru, drôle, impertinent et une écriture géniale.
La «Bête», entourée d’une foule colorée à souhait, tatouée, hiérarchisée et peu rassurante, essaie d’imaginer sa fuite, selon une logique absolument décalée. Ce personnage compliqué, obsédé par le sexe et le retour de sa liberté, se laisse découvrir dans un récit parfaitement mené par David Goudreault.
Son premier roman, La Bête à sa mère, est paru il y a un an et en est à sa huitième impression. Un énorme succès. «C’est au-delà de mes rêves les plus fous!» s’exclame-t-il, en entrevue. «C’était le premier volet d’une trilogie et c’est le même personnage, mais chaque livre peut être lu indépendamment de l’autre.»
David voulait faire un projet autour de la criminalité, sans tomber dans le romantisme de la chose. «Je voulais en parler de façon très crue, très dure, mais avec plein d’humour pour rendre ça digestible. Je veux avoir du plaisir dans l’écriture et que les gens aient du plaisir à me lire.»
Il connaît bien le milieu carcéral. «Encore aujourd’hui, je donne beaucoup d’ateliers de création dans les centres de détention. Pour être sûr d’être collé sur la réalité, j’ai vraiment fait un gros travail de recherche. J’ai rencontré deux agents correctionnels, une agente de probation et deux détenus dans une prison fédérale, dont un à Donnacona. D’ailleurs, l’action se déroule là.»
PORTRAIT ASSEZ FIDÈLE
Avec toutes ces informations, il avait en tête un portrait assez fidèle de cet univers pour camper un décor réaliste et y déposer la Bête, un personnage vraiment particulier. «Il a des troubles de distorsion cognitive et de perception du monde.» Pour l’instant, la Bête n’a pas de nom, «mais il a une identité très forte!» complète l’auteur.
Il a des idées... et n’a pas toujours tort. «Mon jeu, c’est qu’il arrive avec des énormités, mais parfois il part avec un petit bout de vérité ou une réflexion qui n’est pas vide de sens et il divague complètement.» Cela crée un jeu avec le lecteur. «Mon personnage est tellement énorme que je force le lecteur à avoir lui-même des jugements sur le personnage. J’essaie de deviner jusqu’où le lecteur me suivra.»
La Bête en voit de toutes les couleurs. Il se fait agresser, embarquer dans toutes sortes d’affaires évidemment louches et se voit contraint de suivre les ordres (de toutes sortes). «Il y a plein de choses qui se passent et avec lesquelles les agents correctionnels ne sont pas nécessairement d’accord, mais qu’ils doivent tolérer pour maintenant un certain équilibre. Je me sentais la responsabilité de le dire. Je suis travailleur social de formation et en parler, c’est une façon de le dénoncer.»
ROMANS BIEN ACCUEILLIS
Et comment ses romans sont-ils accueillis dans le milieu carcéral? «Les agents trouvent ça très drôle et assez près de leur réalité, et les détenus, jusqu’à maintenant — ceux qui ont contribué —, trouvent que c’est aussi un portrait romancé, mais très près de la réalité — plus que les gens pourraient le croire.»
Il poursuit. «C’est un milieu tellement hostile et peu naturel que la réalité, c’est que les gens sont un peu des caricatures d’eux-mêmes. Il faut absolument que tu prennes ta place et que tu t’affirmes d’une manière intense. C’est déjà un milieu surréaliste, la prison, donc le mettre dans un roman, c’est assez facile. Mais je voulais que ça reste d’abord une fiction plus qu’une réflexion.»