Le Journal de Quebec

Les guichets clandestin­s et L’AMF

- MICHEL HÉBERT

L’AMF porte un titre ronflant et des habits sur mesure, mais c’est une organisati­on fonctionna­risée qui se distingue surtout par l’opacité de ses opérations

L’affaire des guichets automatiqu­es clandestin­s montre à quel point il ne faut pas se fier aux apparences. Ni à ce que les grands hérons de la bureaucrat­ie racontent aux politicien­s quand ils sont mal pris…

Dans cette histoire, l’autorité des marchés financiers s’est traîné les pieds; n’en retenez pas autre chose. L’AMF porte un titre ronflant et des habits sur mesure, mais c’est une organisati­on fonctionna­risée qui se distingue surtout par l’opacité de ses opérations.

Revenons en arrière pour comprendre ce verdict sévère.

PAS UNE PRIORITÉ

Au milieu des années 2000, les guichets clandestin­s se sont mis à pulluler au Québec et, devant ce fléau, le gouverneme­nt décida d’exiger un contrôle strict pour en expurger le crime organisé.

Les lois sont modifiées en conséquenc­e et L’AMF obtient le mandat de mettre de l’ordre. L’AMF s’y engage en 2013. Mais, de toute évidence, ce n’était pas vraiment sa priorité.

Pourtant, ces satanées machines ruinent parfois les moins nantis. On les trouve souvent là où l’alcool est en vente. Et les gens intoxiqués dépensent plus que de raison.

Les propriétai­res d’établissem­ents trouvent d’ailleurs que ces bidules sont beaucoup plus payants qu’une valideuse de cartes de crédit.

Ils sont tellement faciles à gérer qu’ils le font eux-mêmes. Ils les remplissen­t d’argent comptant, souvent sans savoir que L’AMF aurait quelque chose à dire.

L’AMF avait espéré d’emblée que les propriétai­res demanderai­ent euxmêmes leur certificat d’autorisati­on. Encore aurait-il fallu qu’ils en connaissen­t l’existence.

MAFIA

Des gens liés à la mafia, à Montréal, en Abitibi et ailleurs, des criminels notoires ont donc pu facilement se procurer ces petites merveilles. Quelle aubaine! Les remplir avec l’argent du trafic de drogues pour le recycler ensuite dans l’économie légale.

Voilà pourquoi c’est souvent dans les bars des quartiers pauvres qu’on les retrouve. Dans les endroits où la mafia a toujours été présente.

Ça pourrait expliquer la nonchalanc­e de L’AMF. Nommé à l’été 2013 par Pauline Marois, le président Louis Morrisset est un avocat de haut vol qui brilla un temps sur la place financière de Londres. Me Morrisset préside maintenant un organisme public et empoche plus de 8000 $ par semaine. Entre autres avantages, il dispose d’une automobile «convenant à son poste». Il serait compréhens­ible que les guichets clandestin­s n’aient pas été le premier de ses soucis.

Mais, trois ans après l’adoption d’une loi visant à encadrer ces soi-disant guichets bancaires, il est incroyable que L’AMF n’ait pas une idée précise de la situation.

LEITAO A MAL PARU

À l’assemblée nationale, L’AMF a fait très mal paraître le ministre des Finances, Carlos Leitao. Une première!

Comment aurait-il pu savoir que des proches de la mafia avaient de tels guichets puisque L’AMF ne le savait pas non plus?

Avec un nom comme le sien, l’autorité ne voulait croire qu’ellemême. Jusqu’à ce que Le Journal dévoile les noms de mafieux agissant dans l’ombre d’entreprise­s ayant des guichets dûment accrédités. Le ministre Leitao a dû se rendre à l’évidence: L’AMF, comme on dit, l’avait échappé…

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