Le Journal de Quebec

Le leadership de Philippe Couillard

- denise bombardier Journalist­e, écrivaine et auteure

Et si à travers la grogne d’une majorité des militants contre le projet de loi sur l’industrie du taxi, qui est en fait une opposition à Uber, c’était le premier ministre qui était visé?

Philippe Couillard n’est pas homme à manifester des sentiments envers ses troupes, fussent-ils des ministres de son cabinet et des députés.

Depuis deux ans, il gouverne ses troupes du haut de sa fonction. Des ministres ont été rabroués publiqueme­nt. Nombre d’élus ont le sentiment qu’ils servent davantage à enregistre­r leur vote à l’assemblée nationale qu’à contribuer intellectu­ellement et politiquem­ent à l’orientatio­n de leur parti.

Philippe Couillard n’a pas d’états d’âme, mais une garde rapprochée avec laquelle il gouverne selon sa vision de l’état et du libéralism­e.

LE NATIONALIS­ME QUÉBÉCOIS

Nombre de libéraux sont nationalis­tes et sont donc en porte à faux avec lui. Ses prédécesse­urs, Robert Bourassa et Jean Charest, n’ont, eux, jamais associé le nationalis­me du Québec à une tare, comme le suggère avec une sorte de dédain qui lui est propre Philippe Couillard.

Robert Bourassa et Jean Charest, redoutable­s adversaire­s de la souverai- neté, ont au contraire affirmé leur nationalis­me. Souvenons-nous de Robert Bourassa qui en 1988 n’a pas hésité à utiliser la clause nonobstant pour contrer la décision de la Cour suprême interdisan­t l’affichage unilingue en français au Québec. Il a dû affronter son propre cabinet profondéme­nt divisé. Trois ministres anglophone­s opposés à cette clause ont alors démissionn­é.

Quant à Jean Charest, il n’a jamais renié son nationalis­me et a même reconnu lors d’un passage en France la viabilité d’un Québec souverain.

Malgré les sondages le favorisant, Philippe Couillard est davantage craint par ses troupes qu’il n’est aimé par elles. Il a tendance à s’entourer de quelques personnes, y compris des ministres, et à gouverner sans s’assurer de convaincre ceux qui doutent du bien-fondé de ses politiques.

OPPOSITION­S VIGOUREUSE­S

Il a sans doute été surpris durant le dernier week-end par la vigueur des opposition­s à ce projet de loi pour contrer Uber. Par la vigueur, mais aussi par l’ampleur et ce ne sont pas que les jeunes libéraux qui sont intervenus haut et fort. Il est clair que ces libéraux veulent réduire le rôle de l’état.

Depuis plusieurs mois, il est frappant de constater le nombre de militants qui expriment des réserves, sous couvert d’anonymat bien sûr, sur la gouvernanc­e de Philippe Couillard. Des libéraux anti-Couillard qui rongent leur frein.

De vieux routiers libéraux avec une expérience politique dont devrait profiter le premier ministre affirment en privé que Philippe Couillard manque cruellemen­t d’intuition politique. Que son assurance entêtée nuit à la prise de décisions. Et qu’il préfère s’entourer de gens comme Jacques Daoust, un politicien sans expérience, mais sans ambition de direction.

Le premier ministre doit estimer qu’il a moins besoin de ses militants, présumant d’être reporté au pouvoir lors de la prochaine élection grâce au vote anglophone et à la division des francophon­es dont le quart lui est assuré.

Faut-il rappeler à Philippe Couillard que la présomptio­n est un espoir téméraire du salut?

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de l’état et du libéralism­e.
Philippe Couillard n’a pas d’états d’âme, mais une garde rapprochée avec laquelle il gouverne selon sa vision de l’état et du libéralism­e.
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