Le Journal de Quebec

Terrain obtenu pour 12 000 $ et revendu 550 000 $ un an plus tard

Le bien situé à Mercier a été lié à une mystérieus­e compagnie des Panama Papers

- BUREAU D’ENQUÊTE Jean-françois Cloutier l Jfcloutier­jdm

Un cabinet d’avocats montréalai­s a multiplié sa mise par 44 en un an en revendant un terrain à Mercier qu’il avait obtenu pour une bouchée de pain d’une compagnie nommée dans les Panama Papers.

Le cabinet Arnault Thibault Cléroux a mis la main sur un terrain à Mercier, sur la Rive-Sud, près de Châteaugua­y, pour rembourser des frais d’avocats impayés de 12 425,61 $. Ce terrain a été revendu un an plus tard 550 000 $, donc 44 fois plus cher.

Selon des documents que nous nous sommes procurés, un avocat de ce cabinet, Me Jean-rémi Thibault, a représenté pendant plus de 15 ans au Québec une société du nom d’immobiliar­e Di Venezia enregistré­e dans les bureaux du cabinet Mossack Fonseca.

Immobiliar­e Di Venezia, l’ex-propriétai­re du terrain, à Mercier, a cessé de payer le cabinet au début des années 2010, selon des allégation­s contenues dans des documents judiciaire­s. En conséquenc­e, le cabinet a pu faire saisir le terrain.

Selon une recherche effectuée par notre Bureau d’enquête, l’entreprise panaméenne a été un prêteur pour deux entreprise­s de l’avocat de Laval Pierre L. Lambert dans les années 1990.

Lambert a été arrêté en 2013 avec l’ex-maire Gilles Vaillancou­rt. Il est accusé d’avoir participé à un stratagème de collusion dans l’octroi des contrats municipaux.

Lambert a avoué à la Commission Charbonnea­u avoir gardé «environ 2 millions $» en argent comptant dans un mini-entrepôt pour le parti PRO des Lavallois de Gilles Vaillancou­rt.

Les documents notariés indiquent que le terrain à Mercier a abouti, à l’époque, dans les mains d’immobiliar­e Di Venezia en raison – encore une fois – d’une créance impayée.

Tout comme le cabinet Arnault Thibault Cléroux en 2014, Immobiliar­e Di Venezia a pu faire saisir le terrain auprès d’une entreprise de Lambert en 1995.

RÉEL PROPRIÉTAI­RE INCONNU

Le nom d’immobiliar­e Di Venezia apparaît dans les documents des Panama Papers rendus publics lundi dernier sur le site du Consortium internatio­nal des journalist­es d’investigat­ion (ICIJ).

L’entité panaméenne est elle-même rattachée à la Suisse, selon L’ICIJ et des documents notariés que nous nous sommes procurés.

Incidemmen­t, notre Bureau d’enquête a déjà révélé que l’ex-maire Gilles Vaillancou­rt a utilisé des personnes de son entourage – notamment des mineurs – pour transférer discrèteme­nt de l’argent sale dans des comptes en Suisse. Rien n’indique cependant que les deux histoires sont liées.

Lorsqu’il a été contacté par notre Bureau d’enquête, Me Thibault a refusé de nous donner le moindre détail sur l’identité du ou des propriétai­res d’immobiliar­e Di Venezia.

«Je suis tenu au secret profession­nel là-dessus. Même si je le savais, je ne vous le dirais pas», nous a-t-il répondu.

COMMISSION CHARBONNEA­U

La firme d’avocats Arnault Thibault Cléroux a vendu le terrain de Mercier à une firme liée à L.A. Hébert pour 550 000 $. Cette dernière a été nommée plusieurs fois à la Commission Charbonnea­u.

Selon le témoin Michel Lalonde, cette firme fait partie de 16 entreprise­s de constructi­on qui ont accepté de remettre le quart de leurs extras en argent liquide pour financer les partis politiques. Toutefois, aucune accusation n’a été portée contre cette entreprise ou ses dirigeants.

Après l’ajout d’infrastruc­tures de base, le terrain, dont une partie est zonée pour du développem­ent résidentie­l, est maintenant évalué à plus de 2 millions $.

Joint par téléphone, Bernard Armand, de la firme L.A. Hébert, a nié toute irrégulari­té. Il nous a dit que le cabinet Arnault Thibault Cléroux s’était enrichi beaucoup plus que sa compagnie dans cette affaire.

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Pour se faire rembourser des impayés de 12 000 $, un cabinet d’avocats a mis la main sur des terrains dont la valeur est maintenant estimée à plus de 2 millions $.

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