Du jus de tofu pour produire de l’électricité
Ce produit de consommation est transformé en biogaz
AFP | Trois hommes dans une pièce sombre et embuée transpirent devant des chaudrons bouillonnants: ils font du tofu à Kalisari, au coeur de la région spécialiste de ce fromage de soja sur l’île de Java en Indonésie. Et grâce à cette activité, leur village produit désormais de l’électricité «verte».
Les gestes sont les mêmes depuis des générations dans ce pays au climat tropical. Les habitants de Kalisari battent d’abord le lait de soja mélangé à des coagulants, puis ils égouttent les résidus et coupent la pâte blanche en petits cubes. C’est ainsi que le tofu, issu du caillage du lait de soja et constituant une base importante de l’alimentation en Asie, est fabriqué.
Mais depuis quelques années, la pratique ancestrale s’est enrichie d’une étape résolument moderne: aujourd’hui, les résidus liquides acides ne sont plus jetés dans le caniveau, ils sont retraités pour produire du biogaz bon marché qui servira pour s’éclairer et cuisiner.
Le village rêve même de devenir bientôt autosuffisant en électricité.
Pas moins de 150 petites entreprises de tofu exploitées pour la plupart dans des maisons familiales bénéficient aujourd’hui de ce plan vert innovant.
Le processus? Une fois que le lait est caillé - grâce à l’ajout d’acide acétique - , le jus est égoutté. Cette «eau usée» est évacuée via des canalisations reliées à de grandes cuves, où des matières or- ganiques vont fermenter grâce à l’introduction d’une bactérie, permettant ainsi la fabrication de biogaz. D’importantes quantités d’eau sont nécessaires, soit environ 33 litres par kilo de fromage de soja.
Parmi les premiers bénéficiaires de cette petite révolution figurent les producteurs de tofu: après avoir été pendant longtemps dépendants des livraisons sporadiques de gaz naturel ou de bois pour alimenter les fours, ils peuvent maintenant se procurer du biogaz à tout moment.
«Les avantages sont énormes», se réjouit Waroh, un producteur de tofu du village interrogé par L’AFP.
RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE CARBONE
Pour les villageois, cette énergie est non seulement trois fois moins chère que le gaz de pétrole liquéfié, mais elle permet aussi de réduire les émissions de carbone, dont l’indonésie est l’un des plus grands émetteurs au monde.
Si cette production était étendue à l’ensemble du pays, plus de 56 000 tonnes de combustibles fossiles pourraient être remplacés chaque année par ce biogaz, estime l’agence publique des technologies.
Un optimisme partagé par L’ONG néerlandaise Hivos, qui a installé en Indonésie quelque 20.000 digesteurs, ces cuves qui produisent du biogaz grâce à un procédé de méthanisation des déchets organiques.
Depuis que le liquide opaque et nauséabond est récupéré pour oeuvrer à la production de biogaz, la rivière est plus claire et sent moins.