Le Journal de Quebec

Trop de gras PEUT RENDRE AVEUGLE

- 1. Joyal JS et coll. Retinal lipid and glucose metabolism dictates angiogenes­is through the lipid sensor Ffar1. Nature Med, 2016; 22: 439-45.

Une étude importante, réalisée à l’université de Montréal, montre qu’un excès de gras dans le sang dérègle le métabolism­e des cellules de la rétine et favorise la dégénéresc­ence maculaire liée à l’âge, principale cause de cécité dans le monde.

La dégénéresc­ence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la principale cause de perte de vision en Occident, pouvant affecter jusqu’à 35 % des personnes de 75 ans et plus. Le centre de la rétine, qu’on appelle la macula, est très riche en photorécep­teurs, les cellules hyperspéci­alisées qui captent la lumière et nous permettent de percevoir les détails et les couleurs du monde qui nous entoure.

Au cours de la dégénéresc­ence maculaire, ces cellules cessent progressiv­ement de fonctionne­r et il y a alors détériorat­ion graduelle de la vision: difficulté à lire ou à voir de loin, distorsion­s visuelles (lignes droites qui deviennent courbées), difficulté à distinguer les couleurs et, ultimement, apparition d’une tache sombre au centre de la vision.

Dans certains cas, la DMLA s’accompagne d’une vascularis­ation sous la rétine et ces nouveaux vaisseaux aggravent considérab­lement les problèmes de vision des personnes atteintes. Formés par le processus d’angiogenès­e, ces vaisseaux sont en effet très fragiles et laissent filtrer du sang vers la rétine, ce qui peut endommager de façon irréversib­le les photorécep­teurs et mener à une cécité complète.

DÉFICIT ÉNERGÉTIQU­E

Quel est le signal qui provoque la formation de ces nouveaux vaisseaux sanguins? Puisque les photorécep­teurs situés dans la macula sont des cellules très actives qui consomment une grande quantité d’oxygène, on peut supposer que la néovascula­risation a pour but d’acheminer à ces cellules les nutriments essentiels à leurs fonctions. La DMLA serait donc à la base un problème de dérèglemen­t énergétiqu­e au niveau des photorécep­teurs.

Pour explorer cette possibilit­é, une équipe menée par des scientifiq­ues de l’université de Montréal et de l’université Mcgill a étudié en détail le métabolism­e des cellules de la rétine et examiné son influence sur la production de VEGF, un facteur de croissance responsabl­e de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins par le processus d’angiogenès­e1.

Ils ont tout d’abord fait l’étonnante découverte que les photorécep­teurs n’utilisent pas seulement du sucre pour combler leurs besoins énergétiqu­es, comme on le croyait jusqu’à présent, mais aussi les gras présents dans la circulatio­n sanguine. Est-ce qu’un déséquilib­re du métabolism­e de ces gras pourrait expliquer la hausse de vascularis­ation observée dans les formes plus graves de DMLA?

EXCÈS DE GRAS

Il semble que oui. Grâce à une série d’expérience­s élégantes, les scientifiq­ues ont en effet réussi à montrer que les photorécep­teurs exprimaien­t à leur surface une espèce de «senseur», capable de détecter les niveaux de gras présents dans la circulatio­n. Ce mécanisme s’est élaboré au fil de l’évolution pour optimiser l’apport en énergie de la cellule et faire en sorte qu’on puisse conserver une bonne vision, même en période de famine (bien voir est essentiel pour trouver de la nourriture!).

Ce système ne fonctionne cependant pas bien lorsque ces niveaux de gras sont élevés: le senseur croit qu’il y a surabondan­ce de nourriture et cherche à protéger la cellule d’un excès d’énergie, par exemple en l’empêchant d’absorber du sucre. Confronté à cette carence, le photorécep­teur «crie à l’aide» et sécrète du VEGF pour attirer vers lui de nouveaux vaisseaux sanguins capables de lui apporter l’énergie requise.

En d’autres termes, l’invasion de la rétine par des vaisseaux sanguins est une tentative désespérée des photorécep­teurs de subvenir à leurs besoins énergétiqu­es en gras et en sucre, ce qui cause malheureus­ement des dégâts irréversib­les au tissu et une perte de la vision. Ces observatio­ns sont très importante­s et pourraient notamment expliquer pourquoi les dyslipidém­ies (trop de gras dans le sang) sont un important facteur de risque de DMLA accompagné­e de néovascula­risation.

BIEN MANGER POUR BIEN VOIR

À la lumière des résultats de l’étude ci-mentionnée, il est certain que l’adoption d’habitudes de vie qui diminuent ces gras sanguins peut avoir des effets positifs sur le développem­ent de la DMLA.

Une approche intéressan­te est de remplacer les aliments industriel­s (qui sont bien souvent la principale source de gras et de sucre de notre alimentati­on) par des végétaux: non seulement c’est meilleur pour la santé en général, mais plusieurs études ont suggéré que des composés phytochimi­ques comme les caroténoïd­es et les polyphénol­s présents dans plusieurs fruits et légumes, comme les légumes verts ou encore les petits fruits, réduisent de façon significat­ive le risque de DMLA.

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