L’APPEL ÉTAIT TROP FORT
Né d’une mère québécoise, Julien Bahain a quitté la France et rame maintenant pour le Canada Alain Bergeron l ∫ Abergeronjdq
Il avait déjà déterré ses racines québécoises en obtenant sa citoyenneté canadienne, mais il en voulait plus. Après une médaille de bronze et deux Jeux olympiques avec l’équipe de France d’aviron, Julien Bahain a bondi sur l’occasion de servir enfin «son» Canada.
Si cet ingénieur mécanique de 30 ans parvient à qualifier l’embarcation canadienne en quatre de couple pour les Jeux de Rio lors des essais olympiques en Suisse du 22 au 24 mai, le coeur d’une mère d’origine québécoise pourrait s’emballer dans une chaumière d’angers, dans l’ouest de la France. Cette histoire deviendrait un peu celle de Marie Martin, née à Sherbrooke et partie étudier dans les Pays de la Loire en 1984, où elle a trouvé l’amour.
«Ma mère a toujours tenu à conserver son accent québécois parce qu’elle en est fière. J’ai été élevé par une Québécoise, il y a de ça en moi», affirme ce médaillé aux Jeux de Pékin en 2008, qui renoue avec les airs du Québec par l’entremise de Pascal Lussier, en mission dans le même bateau canadien que lui.
«Je comprends quand j’entends certains mots comme “niaiseux”, “bobettes” ou “sans-dessein”. Maman nous disait ça. Si je veux, je peux même parler avec l’accent, mais ma mère n’aime pas trop parce qu’elle trouve que j’imite mal!» dit Bahain avec amusement, qui a été rencontré il y a plusieurs semaines à Victoria, où est basée l’équipe canadienne masculine.
UN DÉCLIC
Ce Franco-canadien avoue avoir conservé peu de souvenirs de son seul séjour au Québec dans son enfance. Avec cinq enfants, il était difficile pour les Bahain de venir visiter la famille dans l’estrie, où vivent la grand-mère maternelle, quelques oncles, tantes, cousins et cousines.
Si la vie l’a gardé loin du pays d’ori- gine de sa mère, le sport allait l’en rapprocher. Après les Jeux de Londres en 2012, des atomes discordants à l’intérieur de l’équipe de France l’ont exclu de la sélection nationale.
«Ça a été le coup de pied aux fesses qu’il me fallait. Je ne suis pas parti au Canada à cause de ça, mais ça a été le déclic», raconte celui qui venait de passer 11 années avec l’équipe bleublanc-rouge.
UN VIEUX PROJET EN TÊTE
Après s’être enquis des conditions de transfert auprès d’aviron Canada, il a pu mettre à exécution le projet qu’il mijotait depuis longtemps, qui n’était plus qu’une formalité. En avril 2014, il a bouclé sa valise et a filé vers Victoria, où se trouvait son nouveau rêve olympique.
«Ramer pour le Canada avait toujours été dans un coin de ma tête, ditil. Même mes entraîneurs à mon époque junior vous le diraient. Quand tu cours pour la France aux championnats du monde et que tu as un double passeport, tu regardes les Canadiens dans le bateau d’à côté. Je me disais à l’intérieur de moi: pourquoi pas? Je pourrais être dans ce bateau, moi aussi.»
DERNIÈRE CHANCE
Au terme d’un long processus de sélection «à l’interne», le Canada a désigné ses rameurs du quatre de couple qui auront la tâche de terminer parmi les deux premiers pays à l’ultime régate de qualification olympique, à Lucerne. Bahain s’alliera avec la recrue Pascal Lussier, originaire de Saint-jean-sur-richelieu, ainsi que Rob Gibson, de Kingston, et Will Dean, de Kelowna, membre du huit de pointe médaillé d’argent aux Jeux de Londres.
«C’est une belle opportunité dans une carrière que de pouvoir ramer pour deux pays. Et si on se qualifie pour les Jeux, ça deviendra quelque chose de rare», imagine-t-il.
Prêt à tout, il a déjà appris les paroles du Ô Canada…