Le Journal de Quebec

La force de se relever

- DANY BOUCHARD Coordonnat­eur, Le Journal de Québec, Édition Saguenay–lac-saint-jean

C’était l’été, les vacances et ce qui vient avec. Une ville qui tourne au ralenti, somnolente. Le fond de l’air était frais, confortabl­e, mais le ciel était lourd. Pesant. De la pluie, beaucoup de pluie.

La météo est souvent la prémisse de toutes les conversati­ons, mais cet été-là, le niveau de l’eau des rivières l’était tout autant.

Tout à coup, la rivière aux Sables est devenue un sujet d’intérêt. Préoccupan­t. Pour autre chose que sa couleur ou sa températur­e.

En milieu d’après-midi, les autorités sont venues cogner à la porte de mes beaux-parents. Prudemment, on nous demandait de changer d’endroit ou, à tout le moins, de rester alertes, de surveiller l’évolution des choses.

Pour évoluer, elles ont évolué. Deux jours plus tard, la moitié d’un immeuble à logements installé dans le quotidien des voisins depuis des lustres baignait au fond de la rivière, laissant l’autre moitié de l’immeuble, éventré, coupé en deux, vacillant dangereuse­ment au bord du fossé créé par la force de l’eau.

LA PEUR S’EST INSTALLÉE

L’instant d’un week-end, la peur s’est installée. Le murmure d’une nouvelle averse, la rumeur d’une autre maison partie à la dérive, laissaient craindre le pire.

À la télé, les images de maisons frappées par les torrents d’eau défilaient l’une après l’autre. Et des gens – beaucoup de gens - qui pleuraient, qui se désolaient, qui se consolaien­t. Sans oublier cette petite maison blanche – devenue le symbole d’un drame –, qui attirait sur elle tous les projecteur­s par sa force et sa résistance aux affronts de la nature.

Cet été-là, des gens de la région ont perdu une maison, leurs économies, des souvenirs, les racines de leur vie. D’autres ont perdu leur innocence. Leur insoucianc­e. À partir de cet été de 1996, les gens du Saguenay–lacSaint-jean ont compris que ça n’arrive pas qu’aux autres.

Aujourd’hui, tout a été nettoyé, effacé, mais les cicatrices sont toujours là, et c’est précisémen­t de ces marques du passé – indélébile­s dans la mémoire collective - dont il est question entre les pages de notre cahier spécial publié aujourd’hui.

Les drames comme ceux-là méritent d’être rappelés à la mémoire collective pour que l’on se souvienne à tout jamais qu’avec la peur vient aussi une force surhumaine, qui se décuple et trouve sa beauté lorsqu’elle sert à se relever.

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