Armes : la grande fraude
Je viens de lire un de ces livres qui font qu’on se couche moins niaiseux. Je vous le mets en contexte.
Au lendemain du récent massacre dans un bar gay d’orlando, 90 % des Américains étaient favorables à des vérifications des antécédents de tout acheteur d’une arme à feu.
Le Sénat a voté contre cette mesure.
Le président Obama quittera ses fonctions sans avoir enregistré le moindre progrès sur cette question.
Orlando, San Bernardino, Newtown, Aurora et maintenant Dallas: la liste des tueries dans les dernières années est désespérément longue.
Chaque fois, Obama prononce les paroles de circonstance, presse le Congrès d’agir et rien ne se passe. Jusqu’à la fois suivante.
Nous ne sommes plus surpris. À dire vrai, nous sommes surpris lorsqu’un tel événement survient ailleurs qu’aux États-unis.
On est porté à la résignation. On se dit: «Les Américains sont comme ça.»
On fait une interprétation historico-culturelle du phénomène, remontant au Far West du 19e siècle, voire aux Pères fondateurs.
On est porté à la résignation. On se dit : « Les Américains sont comme ça. »
HISTOIRE
En particulier, on pense souvent que la cause de tous les maux, c’est le fameux deuxième amendement à la Constitution des États-unis, qui date de 1791, et dit: «The right of the people to keep and bear Arms shall not be infringed.»
Le juriste Michael Waldman, professeur de droit à l’université de New York, a publié l’an dernier l’ouvrage The Second Amendment: A Biography.
Waldman explique qu’à l’origine, l’amendement voulait enchâsser le droit des membres des milices volontaires de chaque État, qui allaient devenir la National Guard d’aujourd’hui, de conserver leurs armes.
On craignait à l’époque que le nouveau gouvernement fédéral abolisse ces milices citoyennes.
Pendant près de deux siècles, on n’a pas considéré que cet amendement doive s’interpréter comme un droit constitutionnel pour chaque individu de posséder des armes.
À quatre reprises, la Cour suprême a d’ailleurs explicitement tranché qu’il n’y avait pas de protection constitutionnelle d’un quelconque droit individuel à posséder des armes.
Puis, au début des années 1970, une poignée de libertariens prend le contrôle de la National Rifle Association (NRA), qui existait depuis 1871 pour améliorer la compétence dans le maniement des armes.
C’est à ce moment que la NRA se transforme en ce puissant lobby anticontrôle des armes qu’on connaît aujourd’hui.
RÉCENT
C’est seulement en 2008 que la Cour suprême, sous l’impulsion d’antonin Scalia, a jugé qu’il existait un droit individuel à la propriété des armes protégé par la Constitution.
En 1991, alors que cette idée, jugée jusque-là fort étrange, n’avait pas encore été endossée par le plus haut tribunal, l’ex-juge en chef de la Cour suprême, Warren Burger, l’avait qualifiée ainsi: «One of the greatest pieces of fraud, I repeat the word fraud, on the American public by special interest groups that I have ever seen in my lifetime.»
La morale de cette histoire est double.
D’abord, l’affaire n’a rien à voir avec la philosophie fondatrice du pays ou une quelconque mentalité américaine stéréotypée.
Ensuite, comme l’affaire est plus récente et moins enracinée qu’on ne le croit, renverser la vapeur n’est peutêtre pas insurmontable.