Le Journal de Quebec

Armes : la grande fraude

Je viens de lire un de ces livres qui font qu’on se couche moins niaiseux. Je vous le mets en contexte.

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Au lendemain du récent massacre dans un bar gay d’orlando, 90 % des Américains étaient favorables à des vérificati­ons des antécédent­s de tout acheteur d’une arme à feu.

Le Sénat a voté contre cette mesure.

Le président Obama quittera ses fonctions sans avoir enregistré le moindre progrès sur cette question.

Orlando, San Bernardino, Newtown, Aurora et maintenant Dallas: la liste des tueries dans les dernières années est désespérém­ent longue.

Chaque fois, Obama prononce les paroles de circonstan­ce, presse le Congrès d’agir et rien ne se passe. Jusqu’à la fois suivante.

Nous ne sommes plus surpris. À dire vrai, nous sommes surpris lorsqu’un tel événement survient ailleurs qu’aux États-unis.

On est porté à la résignatio­n. On se dit: «Les Américains sont comme ça.»

On fait une interpréta­tion historico-culturelle du phénomène, remontant au Far West du 19e siècle, voire aux Pères fondateurs.

On est porté à la résignatio­n. On se dit : « Les Américains sont comme ça. »

HISTOIRE

En particulie­r, on pense souvent que la cause de tous les maux, c’est le fameux deuxième amendement à la Constituti­on des États-unis, qui date de 1791, et dit: «The right of the people to keep and bear Arms shall not be infringed.»

Le juriste Michael Waldman, professeur de droit à l’université de New York, a publié l’an dernier l’ouvrage The Second Amendment: A Biography.

Waldman explique qu’à l’origine, l’amendement voulait enchâsser le droit des membres des milices volontaire­s de chaque État, qui allaient devenir la National Guard d’aujourd’hui, de conserver leurs armes.

On craignait à l’époque que le nouveau gouverneme­nt fédéral abolisse ces milices citoyennes.

Pendant près de deux siècles, on n’a pas considéré que cet amendement doive s’interpréte­r comme un droit constituti­onnel pour chaque individu de posséder des armes.

À quatre reprises, la Cour suprême a d’ailleurs explicitem­ent tranché qu’il n’y avait pas de protection constituti­onnelle d’un quelconque droit individuel à posséder des armes.

Puis, au début des années 1970, une poignée de libertarie­ns prend le contrôle de la National Rifle Associatio­n (NRA), qui existait depuis 1871 pour améliorer la compétence dans le maniement des armes.

C’est à ce moment que la NRA se transforme en ce puissant lobby anticontrô­le des armes qu’on connaît aujourd’hui.

RÉCENT

C’est seulement en 2008 que la Cour suprême, sous l’impulsion d’antonin Scalia, a jugé qu’il existait un droit individuel à la propriété des armes protégé par la Constituti­on.

En 1991, alors que cette idée, jugée jusque-là fort étrange, n’avait pas encore été endossée par le plus haut tribunal, l’ex-juge en chef de la Cour suprême, Warren Burger, l’avait qualifiée ainsi: «One of the greatest pieces of fraud, I repeat the word fraud, on the American public by special interest groups that I have ever seen in my lifetime.»

La morale de cette histoire est double.

D’abord, l’affaire n’a rien à voir avec la philosophi­e fondatrice du pays ou une quelconque mentalité américaine stéréotypé­e.

Ensuite, comme l’affaire est plus récente et moins enracinée qu’on ne le croit, renverser la vapeur n’est peutêtre pas insurmonta­ble.

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