Guerre raciale américaine ?
Retournons huit ans en arrière.
Barack Obama était élu président des États-unis. Pour la première fois, un Noir parvenait à cette fonction. Barack Obama avait beau ne pas être un Afro-Américain au sens historique du terme (son père n’était pas descendant d’esclaves, mais originaire du Kenya), la symbolique n’en était pas moins exceptionnelle.
C’était un formidable événement dans un pays marqué par l’histoire honteuse de l’esclavage et de la ségrégation.
RACISME
Plusieurs espéraient que l’amérique en sortirait réconciliée avec elle-même, délivrée de ses vieux démons. Une Amérique nouvelle, post-raciale: tel serait le legs d’obama.
Huit ans plus tard, on déchante. Aujourd’hui, l’amérique est rongée par son vieux mal. Les tensions sociales américaines ont encore trop souvent un arrière-fond racial.
On pense évidemment aux rapports entre une frange de la police américaine, prompte à dégainer et tirer dès qu’elle se sent menacée, et la communauté noire, qui se sent victime de persécutions à grande échelle.
Évitons une fausse piste: le pays ne vit pas au rythme d’une chasse aux Noirs. La police américaine n’est pas une antenne du Ku Klux Klan.
Mais il y a manifestement un grave problème, et ces bavures policières trop nombreuses réveillent d’horribles souvenirs dans la mémoire afro-américaine. Les tensions raciales sont au maximum. Et hier soir, à Dallas, elles ont culminé dans une horrible boucherie.
On le sait, lors d’une manifestation tenue pour protester contre les bavures policières à répétition et pour rendre hommage à deux Afro-américains tués ces derniers jours, des snipers ont pris les policiers pour cible.
Le résultat: cinq policiers morts et sept blessés.
Il faut dire les choses telles qu’elles sont: il s’agit en fait d’un acte barbare, impardonnable et condamnable sans la moindre nuance. Ces policiers ont été pris pour cible, ils ont été assassinés froidement.
Au moment d’écrire ces lignes, on en savait encore peu sur le tireur.
Mais on sait une chose: dans un pays gangrené par des tensions raciales, cer- tains éléments sont prêts à basculer dans la guerre civile et la guérilla urbaine.
La police y verra avec raison une déclaration de guerre.
TIRER POUR TUER
Un tabou vient de tomber: on ne se contente plus de manifester jusqu’à lancer des pavés: on tire pour tuer sur les représentants de l’état.
Que ceux qui ont tiré se croient mentalement en situation de riposte contre les policiers ne change absolument rien à l’affaire. Il n’y a pas de circonstances atténuantes.
On devine que ces assassinats de policiers radicaliseront encore plus les tensions interraciales et pousseront certaines catégories de la population dans une psychologie de l’insurrection.
Tout cela dans un pays qui entretient un rapport maladif avec les armes à feu.
Mais on ne fera pas l’erreur d’importer chez nous une grille de lecture qui appartient seulement à la société américaine.
Le racisme qui pollue la vie américaine lui est absolument singulier.
Les militants pressés de plaquer cette situation sur le Québec vivent dans un monde parallèle.