« C’était la fin du monde »
Elle n’a toujours pas oublié ses petits voisins morts ensevelis
Deux décennies n’auront pas suffi pour que Guylaine Simard fasse son deuil des deux jeunes enfants morts ensevelis sous une coulée de boue à La Baie, à deux pas de chez elle.
«Je pense encore aux enfants, confie avec émotion l’élégante dame, à la tête du Musée du Fjord depuis plus de 30 ans. Je n’ai pas la sensation d’avoir bouclé la boucle. Tu ne peux pas vraiment l’oublier. C’est quelque chose qui t’habite, tu en parles, l’émotion revient. Ces parents-là, leur détresse, c’était vraiment très poignant.»
Le matin du 20 juillet 1996, Andréa et Mathieu Paquet-garceau, 7 et 9 ans, dormaient au sous-sol de leur maison lorsqu’un imposant glissement de terrain leur a coûté la vie. «On n’a jamais pu, les gens du quartier, témoigner notre sympathie à la famille», déplore Mme Simard.
«Tout le monde était affecté par la perte de ces deux enfants […] Ça bouscule ta vie. Tu entends la détresse des parents, tu les vois, tu vois les secouristes. Ça change ta vie. Ça demeure en nous, 20 ans plus tard», assure-t-elle.
ÉVACUÉE
La demeure de Mme Simard a été épargnée par le glissement de terrain. Elle y réside encore aujourd’hui. Comme 16 000 autres personnes, elle a été évacuée lors du déluge. Elle a alors trouvé refuge durant plus d’une semaine sur la base militaire de Bagotville.
«Tu avais vraiment l’impression que c’était la fin du monde, tant la dévastation était importante. Dans le secteur de Grande-baie, on était coupé de tout», se souvient-elle, témoignant du «grand sentiment d’impuissance» vécu.
«Quand les hélicoptères de l’armée canadienne sont arrivés avec les griffons, ça t’amène au cinéma. C’était Apocalyp
se Now. Et là, tu te dis: “nous, on trouve ça difficile, mais on est encore en vie”. Et on pense aux grandes catastrophes dans le monde, aux génocides, aux guerres… et tu t’imagines leur souffrance à eux», affirme-t-elle.
BOUCLER LA BOUCLE ?
En parallèle à son drame personnel, Guylaine Simard a travaillé à remettre sur pied le Musée du Fjord, fortement touché par l’inondation. Le bâtiment a ouvert à nouveau ses portes en 2004, reconstruit trois fois plus grand. Sur la brique extérieure, une démarcation de couleur montre le niveau de l’eau, à l’é- poque du déluge. On en a aux épaules.
«Ça laisse une fragilité mais qui devient une force. Personne n’est à l’abri de vivre un sinistre ou d’être témoin de la mort en direct d’humains», dit-elle, lucide.
Comment boucler la boucle? «Ça serait peut-être de revoir les parents. C’est personnel, je ne pourrai peut-être jamais les revoir. Je ne les ai jamais revus, ils ont quitté La Baie», termine-t-elle, les yeux pleins d’eau.