Le piège de la propagande
Pour ces jeunes radicalisés qui, psychopathes ou pas, s’abreuvent à sa violence extrême et à son délire djihadiste, la propagande de Daech est d’une efficacité redoutable. Selon Le Monde, depuis 2014, Daech aurait en effet commis ou inspiré 213 attentats dans 18 pays et fait plus de 3000 morts.
Mardi, j’analysais ici le désarroi qu’un tel contexte nourrit avec raison chez les populations les plus touchées. Combinée aux écarts croissants de richesse en Occident, l’omniprésence de cette menace djihadiste nourrit à son tour une extrême droite montante se prétendant porteuse de solutions miracles.
De manière plus insidieuse, la propagande de Daech opère aussi dans nos propres sociétés. En frappant la France à répétition, y compris même par la décapitation barbare d’un prêtre, Daech cherche à imposer l’image d’une «guerre» religieuse lancée contre les «mécréants» occidentaux.
Or, le terrorisme comme phénomène politique, même dans sa forme la plus sadique comme celui de Daech, vise avant tout à semer la terreur. Tel est son leitmotiv. C’est d’ailleurs pour maximiser l’effet de terreur que Daech parle de «guerre» en s’appropriant faussement le titre d’«état».
MANIPULATION
Cette organisation terroriste pousse même la manipulation jusqu’à propager l’idée d’une «guerre civile» entre «musulmans» et «infidèles». Une guerre qu’elle souhaiterait provoquer au sein même de l’occident en réaction à ses propres attentats et à la montée de l’extrême droite qui les accompagne.
Lorsque des leaders politiques versent dans la même rhétorique guerrière – pour calmer leurs populations angoissées, par intérêt électoraliste ou les deux –, ils basculent tête première dans le piège propagandiste de Daech.
En France, le mot «guerre» est repris à gauche, à droite et à l’extrême droite. De François Hollande à Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. C’est dire la force d’une telle propagande.
Idem pour ceux qui, au nom d’une «guerre» sans merci contre les djihadistes, en appellent dorénavant à la réduction des libertés fondamentales. Y compris Sarkozy qui, égal à lui-même, réduit l’état de droit à des «arguties juridiques».
Et pourtant, répétons-le, combattre Daech exige plutôt une lutte adaptée à la nature même de cette bête terroriste transfrontalière et multiforme.
Crier à la « guerre » reproduit la propagande des terroristes. Agir au contraire avec intelligence et détermination la déconstruit.
INVESTISSEMENTS MAJEURS
Dans les pays touchés, cela commande non pas une «guerre» contre une «armée», mais des investissements majeurs en termes de politiques et de fonds publics.
On parle d’effectifs bonifiés et de mesures sécuritaires mieux ciblées sans réduire pour autant les libertés de la vaste majorité des citoyens. D’une coordination plus efficace des corps policiers et de mesures de détention préventive ciblant les plus susceptibles de «passer à l’acte».
On parle de politiques proactives d’éducation et d’intégration économique pour les immigrants et réfugiés. On parle d’une politique étrangère plus cohérente.
Une politique se démarquant de celle, désastreuse, traînée par plusieurs États depuis l’invasion de l’irak en 2003 et de cette «amitié» occidentale sordide avec la monarchie saoudienne et ses salafistes.
Crier à la «guerre» reproduit la propagande des terroristes. Agir au contraire avec intelligence et détermination la déconstruit.