Le Journal de Quebec

Démesure olympique

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ eblogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r

Apparemmen­t, les Jeux olympiques de Rio sont mal accueillis par les Brésiliens.

Ils protestent contre les milliards engouffrés dans ce grand spectacle planétaire. N’aurait-il pas mieux valu les investir dans la lutte contre la pauvreté?

Mais la protestati­on contre les Olympiques n’est pas exclusive aux Brésiliens.

On commence à se demander si nous n’avons pas perdu la raison. De temps en temps, on fait le décompte des sites olympiques qui, une fois les jeux terminés, sont laissés en déshérence à travers le monde.

GRANDEUR

On se demande alors si l’homme n’est pas un flambeur sans génie qui, pour épater son voisin, est prêt à gaspiller son argent péniblemen­t gagné, alors qu’il devrait miser sur un investisse- ment durable.

Et pourtant, on peut comprendre ce désir de grandeur.

L’être humain ne serait pas lui-même s’il se contentait toujours d’être raisonnabl­e.

Il veut témoigner de son génie, de sa force, de sa puissance, de ses ambitions. Il veut montrer ce dont il est capable. Il veut toucher le ciel.

Il ne veut pas seulement survivre ou vivre décemment. Il veut se montrer aussi puissant que les dieux et faire la preuve que l’impossible n’est qu’une frontière mentale qu’il appartient aux plus ingénieux de repousser ou d’abolir!

Il en est de même du sport olympique. Qui est vraiment capable d’imaginer la discipline absolue et les efforts insensés nécessaire­s pour pratiquer un sport si brillammen­t qu’on puisse être invité à faire une performanc­e devant la planète entière?

Dès l’enfance, les athlètes sont souvent conscrits. Leur vie, pour l’essentiel, tourne autour des exigences de leur entraîneme­nt.

C’est leur raison de vivre: ils se soumettent à des contrainte­s inimaginab­les pour le commun des mortels dans l’espoir, un jour, d’être les meilleurs.

Ils ne prétendent pas dominer le monde, mais se dominer eux-mêmes.

Ils savent même qu’ils risquent d’hypothéque­r leur existence pour quelques années d’intensité.

Pourtant, ils se soumettent aux caprices compliqués de leur sport et feront tout pour remporter la médaille.

DÉMESURE

C’est la belle part de l’être humain. Il escalade des montagnes, il se jette en parachute, il traverse des déserts.

C’est son esprit de conquête. On lui impose des limites, il veut les transgress­er, pour le meilleur et pour le pire. Il se manifeste dans le sport, la science, les arts, la technologi­e ou l’économie.

On comprend dès lors qu’il faille un décor d’exception pour accueillir ce rassemblem­ent mondial de l’excellence sportive que sont les Jeux olympiques.

Évidemment, il faudra un jour revenir à quelque chose d’un peu moins fou. On peut faire grand sans claquer les milliards par dizaines.

Le capitalism­e a besoin de se calmer. La débauche des milliards peut vraiment dégoûter. Mais tout comme il y a quelque chose de beau dans une cellule de moine dénudée, où l’homme se délivre de l’accessoire pour retrouver l’humanité dans sa pureté, il y a quelque chose de magnifique dans cette manifestat­ion grandiose qui se passera à Rio.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada