Des chimères bientôt créées en laboratoire ?
Le gouvernement américain songe à lever le moratoire
MIAMI | (AFP) Le gouvernement américain pourrait bientôt débloquer des fonds pour financer la recherche associant des cellules souches humaines à des embryons animaux, une perspective qui soulève une multitude de questions éthiques et scientifiques.
Le nom lui-même rappelle les plus grandes histoires de la mythologie, aux accents de science-fiction: c’est par le mot «chimère» que l’on désigne ces embryons animaux hybrides, comportant des cellules souches humaines.
Ils ouvrent d’immenses perspectives médicales, depuis le traitement de maladies dégénératives jusqu’à la création d’organes destinés à des greffes... mais suscitent aussi des questions si profondes que les Instituts américains de santé (NIH), qui dépendent du ministère de la Santé, avaient placé il y a un an un moratoire sur ce type de travaux.
CONSULTATIONS
Après avoir consulté chercheurs, biologistes et spécialistes du bien-être des animaux, le NIH se propose de lever ce moratoire, ouvrant la porte au financement public de ce type de recherches.
Seraient alors autorisées les expériences «où des cellules humaines pourraient apporter soit une contribution substantielle soit une modification fonctionnelle substantielle au cerveau de l’animal», selon un communiqué.
Le NIH a ouvert une période de 30 jours pour que spécialistes et grand public soumettent leurs commentaires en ligne. Après cette période, l’organisme décidera de lever ou non le moratoire.
Les rencontres conduites depuis un an «ont démontré que, bien que créer des modèles chimériques comporte des défis importants, il existe un intérêt et un potentiel évidents derrière l’idée de produire des modèles animaux avec des tissus humains ou des organes permettant d’étudier le développement humain, les pathologies et les greffes d’organe», explique le NIH.
La recherche mêlant cellules humaines et animales n’est pas nouvelle. Depuis des décennies, les scientifiques greffent ainsi des tumeurs humaines sur des souris, et des valves cardiaques provenant de porcs sont fréquemment utilisées chez des patients.
COCHONS À CERVEAUX HUMAINS
Mais ce nouveau projet ne laisse personne indifférent.
«Imaginons que nous ayons des cochons dotés de cerveaux humains et qu’ils se demandent pourquoi on conduit des expériences sur eux. Ou que nous ayons des corps humains dotés de cerveaux animaux et que nous nous disions alors: “Eh bien, ils ne sont pas vraiment humains, nous pouvons les soumettre à des expériences et y cultiver des organes”», avance Stuart Newman, chercheur au New York Medical College.
Même si la proposition du NIH n’implique pas pour l’instant de travailler à la création d’animaux dotés de cerveaux humains complets, «nous n’avons pas de lois dans ce pays permettant de l’empêcher», proclame-t-il.