Le Journal de Quebec

La patience n’est pas toujours une vertu

- Philippe Lapeyrie Collaborat­ion spéciale

Dans les dernières semaines, au cours d’une soirée entre amis, quelqu’un m’a dit au moment de déboucher une bouteille: «Arrête, on ne peut pas ouvrir ça, ça vaut ben trop cher!» Euh?... OK d’abord, on va l’oublier en cave pendant des décennies pour qu’elle soit totalement à bout de souffle et imbuvable à son ouverture?

Beaucoup trop de gens attendent LA grande occasion pour tirer le bouchon d’une bonne fiole. Une augmentati­on de salaire, la naissance d’un enfant, un mariage (ou même parfois un heureux divorce!), l’obtention d’un diplôme universita­ire... Et si déboucher une grande cuvée devenait l’occasion en elle-même?

Ma carte de crédit ne me permet vraiment pas de déguster des crus mythiques toutes les semaines, mais, à l’occasion, avec des gens qui savent l’apprécier, je n’ai pas peur de tirer le liège d’une bouteille qui offrira de grandes émotions en dégustatio­n.

SELON VOS GOÛTS

Souvent, on croit aussi, à tort, que ce sont toujours les plus vieux millésimes qui nous procurent le plus de plaisir. C’est tout faux, ou presque. Ça dépend de vos goûts personnels, car certains aiment les vins jeunes et le fruit, alors que d’autres apprécient davantage les vins plus évolués, en phase secondaire ou tertiaire, ayant des notes de cuir, de feuilles mortes ou un petit côté quelque peu «animal». N’oubliez pas non plus que bien peu de vins pourront faire une sieste de plus de 20 ou 30 ans en cave.

Il y a aussi les gens qui attendent patiemment en espérant que leurs anthologiq­ues fioles bordelaise­s, toscanes, bourguigno­nnes, piémontais­es ou autres prendront un jour de la valeur. Me faire demander: «Ça va valoir combien, dans 10 ou 15 ans, ce flacon?» m’exaspère énormément. À mes yeux, une bouteille de vin est beaucoup plus qu’un vulgaire objet de spéculatio­n.

EN BONNE COMPAGNIE

Cela dit, c’est formidable d’ouvrir une bouteille qui est à son apogée et de la boire au bon moment de son vieillisse­ment, mais, par-dessus tout, ce qui est encore plus important, c’est de la consommer avec la ou les bonnes personnes. Car un grand cru de 700 $ ou 800 $ bu avec le gars qui va te parler de sa grosse cave à vin bien garnie toute la soirée, ça n’arrive pas à la cheville d’un modeste pinard consommé avec un vieux chum qu’on n’a pas vu depuis des lunes... Comme disait feu Jules Roiseux: «[T’es] ben mieux de boire un petit vin de pays avec un ami que de déguster un grand cru avec un trou du cul!»

Alors, je vous conseille de ne pas attendre vos vieux jours pour ouvrir vos belles cuvées. Faites honneur à ces divins nectars avant qu’il soit trop tard!

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